L’importance de l’éducation à la sexualité à l’école

Cet enseignement, théoriquement obligatoire à partir du primaire depuis 2001, devrait être plus sérieusement renforcé à la rentrée prochaine. Lorsque Stéphanie a annoncé, en réunion, qu’elle …

l’importance de l’éducation à la sexualité à l’école

L’importance de l’éducation à la sexualité à l’école

Lorsque Stéphanie a annoncé, en réunion, qu’elle prévoyait de faire un cours d’éducation à la sexualité à ses élèves de CM2, la réaction des parents a été à l’image de ce que cet enseignement pas comme les autres suscite ; certains ont continué à dormir sur leur chaise, d’autres ont été surpris, voire choqués : « Ce n’est pas en SVT [sciences de la vie et de la Terre] qu’on fait ça, au collège ? »

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Peu de parents semblent au courant de ce qui se pratique vraiment à l’école en la matière et, à leur décharge, cela n’est pas très clair…

Trois fois par an, du CP à la terminale

Ces « séances d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle » n’ont rien de nouveau. Elles sont, en théorie, obligatoires depuis la loi de 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception, et devraient être données trois fois par an, du CP à la terminale. A l’école primaire, les enseignants sont censés s’en charger, même si l’intervention d’une association ou d’une infirmière scolaire est possible. Dans les collèges et lycées, une association ou un membre de l’équipe pédagogique doit en principe s’en occuper. Face à un manque de moyens, de formation, et devant les crispations que le sujet suscite, tant chez les parents que chez certains enseignants, moins de 15 % des élèves bénéficient de trois séances chaque année*. L’an dernier, le Planning familial a fini par attaquer l’Etat en justice – aux côtés de SOS Homophobie et de Sidaction – pour exiger l’application de la loi de 2001.

Du nouveau en septembre

Le Planning familial, qui intervient tous les ans auprès de 150 000 élèves, de la maternelle à la terminale, espère que le programme qui, jusqu’ici, avait été fixé sans distinction de niveau, fera bouger les choses. Celui-ci, présenté en mars dernier, devrait être mis en place à la rentrée 2024 sur trois grands axes : se connaître soi-même, vivre et grandir avec son corps ; rencontrer les autres et construire avec eux des relations, s’y épanouir ; trouver sa place dans la société, y être libre et responsable. Au primaire s’installent peu à peu les notions de consentement, de harcèlement ou de violences sexuelles, ainsi que la reproduction et la sexualité humaine à partir du CM1-CM2. La contraception, les infections sexuellement transmissibles ou encore la pornographie n’arrivent pas avant le collège. En outre, le programme insiste sur la nécessité d’aborder l’éducation à la sexualité de manière transversale dans quasiment toutes les disciplines (SVT, EPS, éducation artistique et culturelle, philo, musique, français…).

À quoi ressemble une séance ?

« Durant nos interventions, qui se font en gГ©nГ©ral en prГ©sence d’un membre de l’Г©quipe pГ©dagogique impliquГ© dans le projet, on s’adapte Г  l’ambiance de la classe et l’on cherche avant tout Г  crГ©er un espace de parole et d’Г©changes, explique Sarah Durocher, prГ©sidente du Planning familial, qui a animГ© ce type de classes durant douze ans. Deux intervenants sont toujours prГ©sents, afin notamment de s’adresser plus spГ©cifiquement aux filles ou aux garГ§ons, si nГ©cessaire Р’В», poursuit-elle. Le propos diffГЁre aussi selon l’Гўge : Р’В« Nous adaptons notre vocabulaire avec les plus jeunes en partant souvent d’un livre sur les stГ©rГ©otypes de genre ou les Г©motions, par exemple, observe Sarah Durocher. Au collГЁge, on s’appuie plutР“Т‘t sur ce que les Г©lГЁves ont comme informations et ce qui les intГ©resse pour les faire rГ©flГ©chir, sur le consentement, par exemple, tout en leur apportant du savoir, notamment en matiГЁre de santГ© sexuelle. Souvent, et Г  l’heure oР“в„– les infections sexuellement transmissibles sont en hausse, ils ne savent pas avec qui en parler, ailleurs. Р’В»

Les questions des élèves

Agathe, 14 ans, vient d’avoir ce type de cours dans son collège, près de Bordeaux. Si elle a trouvé le moment « gênant », elle reconnaît son intérêt. « Le consentement, on n’en avait pas forcément parlé avant. C’est important, car des filles ne se rendent pas compte et ont l’air un peu naïves. Et puis, il y a des garçons à qui je ne ferais pas trop confiance sur la sexualité », confie-t-elle. Le genre, l’orientation sexuelle, la différence entre draguer et harceler sont aussi les thèmes qui interrogent le plus souvent les collégiens et les lycéens.

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Des préoccupations forcément éloignées de celles des enfants de primaire. Ava, 10 ans, qui va bientôt avoir une classe d’éducation à la sexualité, appréhende. « Ça me dégoûte ! » lâche-t-elle. Une réaction assez classique chez les petites filles, mais qui ne signifie pas qu’il n’y a pas un besoin. « Aujourd’hui, 20 % des filles sont réglées au primaire** . Or il y a des familles où l’on ne parle pas des règles. Si l’école ne le fait pas, qui s’en chargera ? », interroge Ghislaine Morvan Dubois, membre du bureau national de la FCPE, première fédération de parents d’élèves. Pour elle, « ces cours sont aussi la seule façon de donner des outils aux enfants afin qu’ils aient les mots pour parler de tout, à l’heure où un enfant sur dix en France est victime d’inceste*** ».

Repérage et prévention

Ces classes ont également pour objectif de repérer des souffrances. « Après une intervention, une élève de première est venue me dire : “Madame, j’ai vécu un viol, je ne l’avais pas compris avant” », se souvient Christine Avalle, intervenante en éducation affective et sexuelle au sein de l’association ARPE. Pour accueillir cette parole, il vaut mieux une personne formée et bienveillante, parfois extérieure à l’école. « C’est important qu’un enfant parle de sexualité avec un tiers plutôt que de la découvrir sur un smartphone par le biais de la pornographie », insiste la spécialiste, qui rappelle que plus de 33 % des 16-20 ans ont déjà été victimes de violences sexistes ou sexuelles de la part d’autres jeunes****. « On ne naît pas violent, c’est une construction, souligne Sarah Durocher. L’éducation à la sexualité permet de poser des jalons afin de réduire, à terme, les violences sexuelles. » Lesquelles ont encore augmenté de 8 % en 20235 .

La formation des intervenants

Laurence Communal, professeure de SVT à la retraite et ex-chargée de mission responsable de l’éducation à la sexualité au sein de l’académie de Grenoble, l’affirme : « Au primaire, les enseignants non formés peuvent très bien faire simplement réfléchir leurs élèves sur un énoncé sexiste. Mais plus il y aura d’enseignants formés, bien sûr, plus ces classes pourront se développer. Des équipes de formateurs pour les enseignants sont désormais présentes dans toutes les académies », précise celle qui a aussi été référente pédagogique éducation à la sexualité au sein de la direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco). Les demandes de formation de la part des établissements afflueraient… Reste à savoir si la publication du programme de ces cours sera accompagnée d’un renforcement de ces formations initiales. Les associations impliquées réclament par ailleurs la mise à disposition d’un budget, alors qu’elles n’ont aujourd’hui pas les moyens de répondre à toutes les demandes d’interventions.

Des parents divisés

Alice, 41 ans et maman de deux filles en Seine-Saint-Denis, dont une de 12 ans, fait partie des parents convaincus que l’école a son rôle à jouer. « J’ai déjà parlé de pas mal de choses avec mon aînée, mais pas de la pornographie, par exemple. C’est difficile de trouver les bons mots quand on n’est pas formé et j’ai confiance en l’école pour cela. Je ne comprends pas les crispations de certains parents », ajoute-t-elle, avant d’évoquer un groupe WhatsApp sur lequel « une maman a laissé entendre que l’éducation à la sexualité allait pousser les enfants vers la pornographie ». Des enseignants comme Lucie, dans une école primaire près de Toulouse, se heurtent parfois à l’hostilité de parents. « Certains sont venus me voir à la rentrée pour me dire qu’il n’était pas question que leur enfant participe à une classe d’éducation à la sexualité », rapporte-t-elle, alors qu’elle n’en avait pas l’intention avec ses CM1-CM2, ne s’estimant pas formée pour cela.

*Selon un rapport de l’inspection générale de l’Education nationale datant de 2022. **OpinionWay pour l’association Règles élémentaires, 2023.  ***Ipsos, 2020.  ****Baromètre de l’éducation Apprentis d’Auteuil, quatrième édition 2023. *****Bilan du service statistique du ministère de l’Intérieur, décembre 2023.

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