Mélinée Manouchian, veuve et résistante à jamais, un destin emporté par l'Histoire

mélinée manouchian, veuve et résistante à jamais, un destin emporté par l'histoire

Missak Manouchian et son épouse Mélinée entrent au Panthéon ce mercredi 21 février.

À la vie, à la mort. Le résistant arménien et communiste, Missak Manouchian, entre au Panthéon ce mercredi 21 février. Son cercueil sera accompagné de celui de son épouse Mélinée, décédée en 1989, qui sera admise en même temps que lui dans le temple des personnalités qui ont marqué l’histoire de la nation française.

Née Mélinée Soukémian en 1913 à Constantinople (devenue Istanbul), elle est issue d’une famille aisée de fonctionnaires de l’Empire ottoman. Son destin vire au drame lorsque, âgée que de 3 ans, elle est témoin de la tragédie du génocide arménien, qui emportera ses parents. «Sans terre et sans famille, confrontée à des persécutions et à la pauvreté», relève LCI, elle grandit dans des orphelinats, principalement en Grèce, et notamment à Corinthe, avant d’être envoyée en 1926 à Marseille pour poursuivre ses études. En France, la jeune apatride suit une formation de comptable et de sténodactylographe, puis s’installe à Paris.

Son destin bascule à nouveau en 1934. Elle rencontre cette année-là Missak Manouchian, lors d’un événement du Comité de secours pour l’Arménie. Comme elle, il est communiste ; et comme elle, d’origine arménienne. Un an plus tard, en 1935, elle recroise le jeune homme et leurs retrouvailles prennent une tournure romantique, lorsque celui-ci l’invite à danser. Las le cavalier lui marche sur pieds ce qui agace Mélinée. Quelques mois plus tard, lors de réunions du HOC, le Comité de secours pour l’Arménie, elle recroise l’infortuné cavalier «aux yeux noirs étincelants», comme elle le relate dans un livre témoignage paru aux Éditions Parenthèses. Cette fois-ci sera la bonne. Tous deux apatrides, Missak et Mélinée ont en commun une pleine adhésion à la civilisation française. L’amour entre eux va grandissant et le couple ne perd pas de temps. Le mariage est célébré le 22 février 1936. Le début d’une alliance tant personnelle que militante.

Proche des Aznavourian

Trois ans plus tard, Missak Manouchian est interné comme communiste étranger dans un camp, puis incorporé dans l’armée. À son retour en 1940 dans Paris occupé, il poursuit clandestinement son activité militante, distribuant des tracts antinazis avec son ami historien Arsène Tchakarian. Mais encore une fois, ses idéaux collent avec ceux de son épouse qui décide, elle aussi, de s’engager activement dans la lutte contre l’Occupation. Entre 1941 et la fin de l’année 1943, entre deux actions clandestines, le couple se réfugie régulièrement au 22, rue Navarin, près de Pigalle, dans le modeste appartement loué par Misha et Knar Aznavourian, les parents d’un certain… Charles Aznavour.

Sur le terrain, les actions se multiplient. Alors que Missak rejoint les rangs des francs-tireurs et partisans de la Main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI), Mélinée œuvre en tant qu’agent de liaison. Elle brave les dangers et aide autant que possible son mari dans la Résistance. Et ce, malgré les réticences de Missak à l’exposer au péril. Qu’importe, la militante communiste refuse de rester en marge de la lutte, déterminée à faire entendre sa voix contre l’oppression. Elle s’occupe donc de repérer les futures cibles, transporter les armes, et rédiger des rapports.

Lettre d’adieu

Le matin du 16 novembre 1943, alors que Missak Manouchian doit retrouver le chef des FTP de la région parisienne, Joseph Epstein, à la gare d’Evry-Petit-Bourg, les deux hommes sont arrêtés puis torturés et emprisonnés pendant plusieurs mois. Au terme d’un simulacre de procès relaté dans la presse collaborationniste, Missak Manouchian est fusillé le 21 février 1944 au fort du Mont-Valérien, à l’âge de 37 ans, avec une vingtaine de ses camarades. Quelques heures avant son exécution, il fera ses adieux dans une lettre à sa «chère Mélinée», sa «petite orpheline bien-aimée». «J’ai un regret profond de ne t’avoir pas rendue heureuse, j’aurais bien voulu avoir un enfant de toi, comme tu le voulais toujours», lui écrit-il depuis la prison de Fresnes. «Je te prie donc de te marier après la guerre, sans faute, et d’avoir un enfant pour mon bonheur, et pour accomplir ma dernière volonté, marie-toi avec quelqu’un qui puisse te rendre heureuse.»

Mélinée recevra la lettre mais ne respectera pas le vœu de Missak, celui de refaire sa vie. Mélinée ne deviendra jamais mère non plus. Une maternité qu’elle a failli connaître pourtant, révèle Le Monde. «Peu le savent : Mélinée est tombée enceinte au début de la guerre, alors qu’elle s’occupait “de littérature antinazie”, et a décidé d’avorter. Un choix de militante qui la “libère”», écrit la journaliste Ariane Chemin dans un article paru début février. «J’allais pouvoir enfin me donner entièrement à la cause pour laquelle je combattais», aurait même écrit la résistante.

Naturalisée au sortir de la guerre, Mélinée Manouchian honorera dans l’ombre la mémoire et les combats de son mari, jusqu’à la fin de sa vie, en décembre 1989, en France. En 1945, elle s’était rendue en Arménie soviétique pour y amener les écrits de Missak. Les autorités locales lui refusant son visa de sortie, elle y restera de nombreuses années avant de pouvoir revenir à Paris en 1964.

«Ils sont allés jusqu’au sacrifice ultime»

Dans un hors-série de L’Humanité, sa petite-nièce Katia Guiragossian a ses mots : «Ma grand-mère Armène était la sœur de Mélinée. Elle adorait “Manouche” et me racontait nombre d’anecdotes. J’ai eu accès à la grande histoire par la petite porte, celle de l’intime. (…) Apatrides, ils fantasmaient la France et ont adopté tout de suite sa devise, “Liberté, Égalité, Fraternité”. Ils ont épousé ses valeurs et étaient prêts à tout pour les défendre. Ils sont allés jusqu’au sacrifice ultime.» Un sacrifice aujourd’hui honoré. Ensemble, Missak et Mélinée Manouchian deviennent les premiers résistants étrangers et communistes à entrer au Panthéon. Et avec eux, une plaque arborant le nom de 23 de camarades morts pour la France, tués par les Allemands le 21 février 1944 et dans les mois qui ont suivi.

News Related

OTHER NEWS

Vieillir à domicile coûte-t-il vraiment moins cher qu'aller en Ehpad?

1216 euros par mois en moyenne, c’est le coût moyen sur 20 ans qu’il faut prévoir pour vieillir dignement chez soi de 65 ans à plus de 85 ans. Aller ... Read more »

Face à une fronde syndicale majeure en Suède, Tesla décide de poursuivre l’État

À l’origine des protestations : le refus de Tesla d’adhérer à une convention collective sur les salaires. Le géant américain Tesla, confronté au refus des employés du secteur postal suédois ... Read more »

Nucléaire : près de 100 millions d'euros pour six projets français de réacteurs innovants

Vers l’infini, et au-delà (ou pas). Six projets supplémentaires de réacteurs nucléaires “innovants” feront l’objet d’un soutien de l’État français, à hauteur de 77,2 millions d’euros, auquel s’ajoute un accompagnement ... Read more »

JO-2024: quasi doublement du prix des tickets de métro parisiens pendant l'été

JO-2024: quasi doublement du prix des tickets de métro parisiens pendant l’été Le prix du ticket de métro parisien à l’unité va quasi-doubler durant l’été, a annoncé la présidente du ... Read more »

Hautes-Alpes: 10 à 15 cm de neige en vallée, jusqu'à 25 dans le Valgaudemer et les Écrins

Le département des Hautes-Alpes a engagé pas moins de 150 personnes depuis 4 heures du matin ce mardi 28 novembre. 10 à 15 cm de neige sont tombés en vallée ... Read more »

Hyundai et Kia dévoilent l'«Universal Wheel Drive System»

Module du système Uni Wheel SEOUL, 28 nov. (Yonhap) — Les constructeurs automobiles locaux Hyundai Motor et Kia Corp. ont dévoilé un nouveau système de traction intégré dans la roue ... Read more »

L’oryctérope du Cap, un animal unique en son genre

L’oryctérope du Cap est le seul membre de son genre, n’ayant aucun parent proche vivant aujourd’hui. Même s’il est appelé aardvark en afrikaans, ce qui signifie “cochon de terre”, il ... Read more »
Top List in the World