Héloïse Junier, psychologue spécialiste de la petite enfance : « Un bébé qui se réveille la nuit, c'est normal ! »

Héloïse Junier*, psychologue spécialiste de la petite enfance, jette un pavé dans la mare des injonctions que l’on reçoit lorsqu’il s’agit de faire dormir son enfant. M.L. : À la sortie de la …

héloïse junier, psychologue spécialiste de la petite enfance : « un bébé qui se réveille la nuit, c'est normal ! »

Héloïse Junier, psychologue spécialiste de la petite enfance : « Un bébé qui se réveille la nuit, c’est normal ! »

M.L. : À la sortie de la maternité, pourquoi certains bébés pleurent-ils tout le temps alors que d’autres dorment (presque) sans arrêt ?

H.J. : Tous les nouveau-nés n’ont effectivement pas le même tempérament à la naissance. Ainsi, certains vont pleurer dès qu’on les pose dans un lit et crier dès qu’ils se retrouvent seuls. Ceux-là vont aussi moins sourire, craindre les personnes qui leur sont étrangères. On les surnomme les « bébés sauvages » – quelle horreur ! Alors que leur comportement s’explique par le fait que leur cerveau est plus réceptif au stress que la moyenne.

Ce stress bloque la synthèse de mélatonine (l’hormone du sommeil) et augmente donc la vigilance. Ce sont ces bébés hyperréactifs qui vont avoir le plus de diffcultés à s’auto-apaiser et à se calmer pour s’endormir. Les facteurs génétiques jouent aussi : il y a des familles de petits dormeurs ou, au contraire, de grands dormeurs.

Bien dormir, est-ce totalement inné ou cela peut s’apprendre ?

La qualité du sommeil d’un tout-petit ne dépend pas que de facteurs individuels, l’environnement compte aussi ! Plus le bébé sera soumis au bruit, à la lumière, moins il pourra s’endormir dans de bonnes conditions. Le contraste entre le jour et la nuit doit être mis en place au début : chuchoter le soir dans la pénombre, faire faire la sieste en pleine clarté le jour… Ensuite, les courbes de production de mélatonine, qui permettent de distinguer sommeil et veille, vont s’installer.

Le sommeil des petits est-il vraiment différent de celui de leurs parents ?

Oui, et à plusieurs titres ! Premièrement, les bébés ont des cycles de sommeil beaucoup plus courts que les adultes (50 minutes, contre de 90 à 120 minutes). Or à chaque fin de cycle il se produit un microréveil qui peut se transformer en réveil si l’on ne se rendort pas spontanément. Ce qui explique que les nouveau-nés peuvent pleurer souvent entre chaque cycle. Deuxième différence, les phases de sommeil long profond (celui durant lequel le tonus musculaire est au plus bas) sont aussi plus courtes chez les tout-petits, qui ont donc, sur la durée, un sommeil plus léger.

Contrairement à ce que l’on croit, ils ne dorment pas plus profondément que leurs parents. La durée de ce sommeil long profond ne s’allonge que vers l’âge de 3 ans. Enfin, le sommeil du jeune enfant est immature, tout comme son cerveau, ce qui potentialise le risque de parasomnies : terreurs nocturnes, bruxisme (grincement des dents), somniloquie (parler en dormant), somnambulisme…

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À quel âge un enfant doit-il faire ses nuits ?

Voilà une question que tout le monde se pose et à laquelle on ne peut pas apporter de réponse argumentée ! Car par « faire ses nuits » on entend dormir de 6 à 8 heures d’afflée. Or, d’un point de vue scientifique, personne n’en est capable ! Tout le monde se réveille entre chaque cycle (même si l’on ne s’en rend pas forcément compte), les bons dormeurs comme les mauvais dormeurs.

Les bébés qui rencontrent des diffcultés à se rendormir seuls vont ainsi pleurer. Le fait de vouloir absolument ne plus être réveillé la nuit par ses enfants est très culturel. Par exemple, j’ai rencontré en consultation une jeune femme originaire d’Afrique du Sud qui trouvait que son bébé de 5 mois dormait bien… alors qu’il se réveillait quatre ou cinq fois par nuit.

Que pensez-vous de l’expression « dormir comme un bébé » ?

Il vaut mieux en rire ! Cette expression est même mensongère. Elle met une pression inutile sur les parents lorsque leurs enfants ne dorment pas d’un trait. Car dormir comme un bébé, c’est en réalité se réveiller plusieurs fois dans la nuit et, souvent, ne pas pouvoir retrouver le sommeil tout de suite.

Quel est le meilleur moyen d’endormir un enfant qui pleure ?

D’abord, il faut rappeler qu’un petit qui pleure dès qu’il se retrouve seul dans son lit a une réaction tout à fait normale, attendue. Le bébé humain est le mammifère le plus immature qui soit, il développe une extrême dépendance à l’adulte.

Evidemment, s’il est porté par un parent (il est programmé pour cela), il dormira mieux que dans un lit à l’autre bout de la maison. Donc, le meilleur moyen de calmer ces pleurs d’attachement, de le rassurer et de l’endormir reste de le prendre dans les bras. Surtout, il ne faut ni culpabiliser ni craindre de lui donner une mauvaise habitude et de provoquer une « dépendance aux bras ». Les études ont montré que plus on répond aux pleurs des enfants en les portant, plus ils gagnent en autonomie vers 12-13 mois.

La méthode qui consiste à laisser pleurer semble donc déconseillée…

Tout dépend sur quel plan on analyse la situation. D’un point de vue comportemental, laisser pleurer un bébé trois ou quatre soirs de suite, ça fonctionne. Moins on intervient, et plus ça éteint les pleurs. Mais du point de vue neurobiologique et psychologique, plus vite on vient auprès de l’enfant, plus les liens d’attachement sont solides. En le laissant à maintes reprises pleurer dans le lit, le risque est de créer un lien d’insécurité. Les parents ne représentent plus une source de réconfort, le petit comprend qu’il ne peut pas compter sur eux. Ce qui chez lui génère du stress.

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La musique peut-elle aider à l’endormissement ?

On peut effectivement détendre l’enfant avec une musique lente dans l’obscurité, mais dès qu’il commence à s’endormir, l’environnement doit être le plus neutre et le plus naturel possible. Tout bruit, quel qu’il soit, peut abîmer son sommeil. En effet, les oreilles n’ont pas de paupières et continuent à trai­ter les stimuli qui leur parviennent durant la nuit. Tous les gadgets diffusant de la musique ou des bruits blancs [combi­naison de fréquences sonores qui saturent l’oreille] pour prétendument aider à bien dormir sont inadaptés. Le cerveau du bébé s’y habitue et recherchera par la suite ces éléments sonores pour pouvoir trouver son sommeil.

À chaque âge ses besoins

  • De 0 à 3 mois de 14 à 17 heures
  • De 4 à 11 mois de 12 à 15 heures
  • De 1 à 2 ans de 11 à 14 heures (sieste incluse)
  • De 3 à 5 ans de 10 à 13 heures
  • De 6 à 13 ans de 9 à 12 heures.

Par 24 heures. Source : Académie américaine de la médecine du sommeil.

Quid de la tétine ?

Elle présente un seul avantage : durant le sommeil, dans les premiers mois de la vie, elle diminue le risque de mort inattendue du nourrisson (MIN). Si elle favorise l’endor­missement du bébé en conditionnant la production d’endor­phines à la succion, cela crée ensuite un vrai problème. L’enfant ne peut plus s’en passer car il ne sait pas s’endormir autrement.

Les parents ont tendance à donner une tétine à leur bébé pour calmer ses pleurs. C’est certain que cela empêche de pleurer, mais ce n’est pas la meilleure option. Car il ne faut pas oublier que les pleurs favorisent une décharge de tensions et ainsi l’endormissement dès lors que l’enfant est pris dans les bras.

Bref, la tétine peut rapidement devenir une béquille, pour ne pas dire un fléau pour la famille ! Il en est de même pour le pouce. A force de condi­tionner l’endormissement à la succion, l’enfant risque d’avoir du mal à s’endormir sans rien avoir dans la bouche. Quant au doudou, il n’a de réel intérêt que si le petit dort seul dans sa chambre, pour pallier l’absence de ses parents.

De plus en plus de parents partagent leur lit avec leur bébé… à tort ou à raison ?

Cette pratique du cododo [dormir à proximité de l’enfant] fait couler beaucoup d’encre en France. De nombreux professionnels s’opposent à l’idée que l’enfant dorme avec ses parents. Car, dans notre pays, persiste un amalgame entre cododo et inceste, selon la théorie freudienne qui évoque des pulsions sexuelles du petit à l’égard de son parent. Mais je rap­pelle que cette interprétation ne repose sur aucune démons­tration scientifique.

Faire dormir son enfant dans le lit paren­tal est d’ailleurs une habitude répandue et totalement acceptée dans de nombreux pays, y compris en Europe, comme en Allemagne ou en Angleterre. C’est parfaitement en phase avec le besoin de sécurité des petits. Il est normal qu’ils ne se sentent pas rassurés lorsqu’ils se trouvent seuls dans une chambre, dans l’obscurité… Un bémol : le bed-sharing [par­tage du lit] augmenterait le risque de MIN chez les nourris­sons de moins de 5­6 mois, même en l’absence de facteurs de risque, selon un rapport de l’Académie américaine de pédia­trie de 2016. Donc, dans cette première tranche de vie, il est recommandé de partager la chambre plutôt que le lit.

Le cododo ne nuit-il pas à l’autonomie de l’enfant ?

Ne croyez pas qu’un enfant va dormir dans le lit ou dans la chambre de ses parents ad vitam aeternam ! Inutile de lui (ou de vous) mettre la pression ou de vous inquiéter, rien n’est irréversible. A un moment donné, c’est lui­-même qui va décider d’aller dans sa chambre pour faire comme les copains, en général vers 6-­7 ans. Je ne préconise pas le cododo toutes les nuits jusqu’à cet âge. En revanche, je ne trouve pas préoc­cupant qu’un enfant recherche le réconfort parental, surtout s’il est anxieux. Que l’on se rassure, le cododo n’exerce aucune réelle influence sur l’acquisition de l’autonomie.

Et l’initimité des parents, dans tout ça ?

Notre culture française a tendance à sacraliser le lit parental et à lui conférer un caractère sexuel. Mais les couples motivés savent tout à fait satisfaire leurs envies sexuelles dans un autre lieu que le lit dans lequel ils dorment, sur le canapé du salon, par exemple !

Par ailleurs, il faut savoir que de nombreux couples ne dorment pas ensemble, en toute confidentialité, en raison des ronflements du conjoint, de son coucher tardif ou de son lever à l’aube… En tant que psychologue, je veille à ne pas imposer aux familles des injonctions d’ordre strictement culturel. Je les encourage à prendre leurs décisions sur la base de leurs propres envies, de leurs propres besoins.

Faut-il absolument respecter la sieste ?

La sieste répond au besoin de sommeil de l’enfant. Dès trente minutes, elle a une action positive sur sa mémoire et ses capacités d’apprentissage. Donc elle se révèle essentielle au développement. Lorsqu’elle est insuffsante, cela peut avoir des conséquences sur l’humeur des petits. Mais on ne peut pas indiquer de temps minimal à respecter, il n’y a pas de règle universelle. A l’âge de 3 ans, elle peut aller de quatre minutes à deux heures, selon les besoins de chacun.

Existe-t-il des bébés insomniaques ?

En tout cas, beaucoup de parents rapportent que leur enfant ne dort pas de la nuit. Dans ce cas, je conseille de remplir un agenda en notant, chaque jour, les heures de sommeil et d’éveil. Cela permet d’objectiver la (mauvaise) qualité du sommeil et, en général, de relativiser. Souvent, la tolérance des adultes vis-à-vis des pleurs nocturnes de leur bébé est assez faible en France, comme dans beaucoup de pays riches.

Je le répète, un petit qui se réveille après chacun de ses cycles, donc environ toutes les heures, c’est physiologique. Et s’il se retrouve isolé dans un lit à barreaux, on comprend aisément qu’il ait envie de pleurer !

Quand s’inquiéter ?

Si un enfant pleure réellement beaucoup la nuit (et dans la journée), il faut en parler à un médecin pour s’assurer de l’absence de maladie et/ou de douleurs. Les pleurs liés, par exemple, à un reflux gastro-œsophagien ou à une allergie au lait de vache sont parfois confondus avec les pleurs dits « de régulation » qui ont pour effet, au moment du coucher, de décharger les tensions accumulées.

Si les examens ne montrent pas de problème médical, il faut penser à aller consulter un psychologue ou un psychothérapeute. Car laisser un manque de sommeil s’installer risque de nuire à la régulation des émotions et à l’acquisition du langage, bien avant que l’on constate un ralentissement de la croissance.

Comment réagir en cas de terreurs nocturnes ?

Dans tous les cas, lorsqu’un enfant crie la nuit dans son lit, on vient près de lui. En cas de terreurs nocturnes, il faut savoir que le petit ne réagit pas aux sollicitations des parents, car il n’est pas pleinement réveillé. C’est déconcertant et cela peut faire peur, mais il est recommandé de rester à côté de lui, même si l’on n’arrive pas à le calmer. Alors que quand il s’agit de cauchemars, la situation est plus simple, dans la mesure où il y a un véritable échange et que l’on peut ainsi rassurer.

Un enfant qui dort mal deviendra-t-il un adulte ayant des problèmes de sommeil ?

Heureusement, non. Il faut savoir que si l’on prend en compte l’anxiété (lorsqu’elle est en cause) du bébé et si on l’accompagne correctement, le « retour au calme » est possible. En effet, le cerveau des petits est particulièrement plastique. A l’inverse, en revanche, un adulte qui dort mal aura davantage de risque d’avoir des descendants qui lui ressemblent sur ce point. Car on ne peut rien contre la génétique, qui exerce une certaine influence sur le temps du sommeil. Il y a là une grande injustice !

On a aussi mis en évidence un lien entre le stress périnatal [avant et autour de l’accouchement] et le mauvais sommeil du bébé. Car le stress chronique de la mère active la production de cortisol, qui passe à travers la barrière placentaire et qui va agir au niveau du cerveau du fœtus. D’où un tempérament plus réactif…

* Auteure du livre le Sommeil du jeune enfant, Dunod.

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Les quatre conseils essentiels d’Héloïse Junier

  • 1 : être attentif à la lumière

Toute lumière, même si elle est diffusée par des LED, limite la production de mélatonine, l’hormone du sommeil. D’où l’utilité de diminuer l’éclairage une demi-heure avant le coucher de l’enfant. Préférez les tons orangés, moins intenses.

  • 2 : mettre en place des rituel

Massages, petits câlins ou histoire du soir lue à voix basse (dès 4-5 mois), c’est le meilleur moyen d’assurer un retour au calme avant le coucher et de diminuer ainsi la sécrétion de cortisol, l’hormone du stress. Le rituel a l’avantage de donner des repères aux petits, qui ne raisonnent pas encore mais qui peuvent l’associer au coucher. D’où son effet prouvé sur la diminution du temps d’endormissement.

  • 3 : miser sur la régularité

Ce n’est pas tant l’heure du coucher que la régularité des horaires qui compte. On met le petit au lit tous les jours à la même heure, en veillant à ce qu’il ait sa dose de sommeil. Ainsi, il doit aussi se lever quotidiennement au même moment. On peut même aller le réveiller le matin s’il a dépassé son heure.

  • 4 : éviter la surchauffe

On a tendance à trop couvrir un bébé ou un enfant lorsqu’il dort. A tort ! La température corporelle remonte pendant la nuit (en particulier celle des extrémités), et beaucoup de petits se réveillent parce qu’ils ont trop chaud. Bien sûr, ils ne savent pas se déshabiller tout seuls… Attention aussi à la température de la chambre, qui ne doit pas dépasser 19-20 °C.

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