Volodymyr Zelensky et Emmanuel Macron à Paris, le 16 février.
«Le plus effrayant, c’est qu’une partie du monde s’est habituée à la guerre en Ukraine». Cette phrase de Volodymyr Zelensky date du 1er novembre 2023. À l’époque, le président ukrainien déplorait auprès du Time la lassitude qui semblait s’être emparée des esprits occidentaux concernant la guerre menée contre la Russie. Alors que le conflit s’apprête à entrer dans sa troisième année, le constat est encore valable et s’est même exacerbé. L’extraordinaire solidarité qui faisait consensus au sein des pays occidentaux le soir du 24 février 2022 s’est peu à peu érodée. En outre, d’importantes échéances électorales se tiendront en Europe et aux États-Unis en 2024, avec la perspective d’une modification substantielle du paysage géopolitique occidental.
Car l’état d’esprit des électeurs vis-à-vis du conflit se traduira immanquablement dans les résultats des scrutins. Et l’avenir de l’Ukraine se jouera donc aussi bien sur le champ de bataille que dans les urnes. Dans ce contexte, deux enquêtes d’opinion ont pris le pouls des populations occidentales après deux ans de guerre. L’une, menée par la Fondation Jean Jaurès et l’Ifop, s’intéresse à la perception franco-française du conflit. L’autre, publiée par le Conseil européen pour les relations internationales (ECFR), un groupe de réflexion paneuropéen, décrypte la position des populations de 12 pays de l’UE. Le constat global n’enjoint guère à l’optimisme.
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La «bonne opinion» de l’Ukraine s’essouffle en France
Pour conforter le soutien des opinions publiques occidentales, l’Ukraine semble avoir besoin de résultats militaires. Peu après le déclenchement de l’«opération militaire spéciale», le 24 février 2024, une large partie de la population française (82%) affichait son soutien à Kiev, selon une première enquête de la Fondation Jean Jaurès publiée le 2 mars de la même année. Sa capacité à résister à l’armée russe a sans doute joué. Mais cette «bonne opinion» s’est ensuite rapidement érodée : en février 2023, au moment de la chute de la ville de Soledar et du début du siège de Bakhmout, la cote de popularité ukrainienne avait déjà chuté à 64%. Elle s’était légèrement redressée (70%) au début de la contre-offensive – finalement avortée – en juin 2023.
Mais après deux ans de guerre, elle est descendue au plus bas, avec 58% de «bonnes opinions». La sympathie de l’opinion française penche toujours clairement en faveur de l’Ukraine. «Mais l’enlisement de la guerre semble générer un effet de lassitude et d’usure dans une partie de la population française, qui regarde avec un peu moins de bienveillance l’Ukraine», souligne Jérôme Fourquet, directeur du pôle «Opinion & stratégies d’entreprises» de l’Ifop. L’image de la Russie reste, elle, quasiment aussi mauvaise qu’au début de la guerre : 21% de bonne opinion contre 18% aujourd’hui.
Fort pessimisme quant à une victoire finale de l’Ukraine
La population française se montre en outre très pessimiste quant à une victoire finale de l’Ukraine dans ce conflit. Selon l’ECFR, qui a mené l’enquête auprès des populations de 12 pays européens*, seuls 9% des Français en sont convaincus (10% à l’échelle européenne). À l’inverse, 17% de la population tricolore estime que la Russie finira par l’emporter (20% pour l’Europe). La majorité (relative) des Français interrogés (33%) juge que la guerre prendra fin avec un compromis entre les deux pays. Un constat partagé par l’ensemble des populations européennes interrogées (37% de moyenne).
Mais les prédictions des Français n’épousent pas forcément leurs volontés. Ainsi, 35% de la population souhaite que l’Europe encourage Kiev à reprendre les territoires occupés par la Russie avant de parler de paix, tandis que 30% préfèrent que l’UE pousse l’Ukraine à négocier pour mettre un terme à la guerre. Cette proportion s’inverse à l’échelle européenne : 31% contre 41%. La Hongrie, la Grèce, l’Italie, la Roumanie, l’Autriche, l’Allemagne et les Pays-Bas se montrent plus favorables à des négociations.
Cette volonté globale de plus en plus marquée des Européens d’une résolution négociée du conflit se répercutera-t-elle au sommet des différents États européens ? Si Vladimir Poutine pourrait se montrer ouvert à un cessez-le-feu, selon le New York Times , il n’est pas question pour l’Ukraine de se diriger vers la paix tant que l’armée russe sera présente sur son territoire. Pour l’heure, le soutien des gouvernements européens ne se dément pas, à l’exception de la Hongrie et de la Slovaquie. L’Ukraine a même récemment signé des accords de sécurité avec la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni.
Les Français de moins en moins favorables à la livraison d’armes
Sur le volet de l’aide financière et des livraisons d’armes, le positionnement de la population française semble là aussi se détacher progressivement de celui de son gouvernement. Emmanuel Macron a promis le 16 février dernier à son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky «trois milliards d’euros d’aide militaire supplémentaire en 2024» . Une enveloppe bien supérieure au 1,7 milliard de 2022 et aux 2,1 milliards de 2023. Mais le soutien des Français à l’envoi d’une aide militaire à l’Ukraine suit la courbe inverse, selon la Fondation Jean Jaurès. Si la majorité de la population (50%) approuve toujours la livraison d’armes à Kiev, cette proportion est de moins en moins élevée.
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Lors du déclenchement de la guerre, 65% des Français se déclaraient favorables à la livraison d’armes. Cette proportion avait radicalement diminué (53%) lors de la prise de Soledar et le début du siège de Bakhmout, en février 2023, avant de remonter légèrement (57%) aux prémices de la contre-offensive ukrainienne de juin 2023. Après deux ans de guerre, seule la moitié des Français soutient la livraison d’armes à Kiev. Ce qui ne signifie pas que l’autre moitié y est opposée. En février 2024, la proportion d’anti-livraison n’a jamais été aussi élevée (34%), mais un nombre non-négligeable de Français «ne se prononcent pas».
Pour Jérôme Fourquet, directeur du pôle «Opinion & stratégies d’entreprises» de l’Ifop, l’échec de la contre-offensive ukrainienne lancée en juin «a été sanctionné par un recul de l’adhésion à la fourniture d’armes occidentales». Et de conclure : «Alors que les troupes ukrainiennes sont aujourd’hui en difficulté sur le terrain face à des Russes disposant de davantage de munitions et de moyens, et que les considérations de politique intérieure bloquent l’envoi de nouveaux matériels américains, la politique de livraison d’armes par les Européens ne connaît pas de regain de soutien dans l’opinion française».
*Autriche, France, Allemagne, Grèce, Hongrie, Italie, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Roumanie, Espagne et Suède
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