Bayern Munich-Real Madrid : Quelle empreinte va vraiment laisser l'empereur Manuel Neuer dans l'histoire des gardiens ?
A 38 ans, Manuel Neuer, qui dispute la demie de Ligue des champions avec le Bayern, face au Real Madrid ce mardi, a révolutionné le poste de gardien. Mais son héritage n’est pas assez souvent mis en valeur
L’empereur Neuer.
Football – A 38 ans, Manuel Neuer, qui dispute la demie de Ligue des champions avec le Bayern, face au Real Madrid ce mardi, a révolutionné le poste de gardien. Mais son héritage n’est pas assez souvent mis en valeur
Il peut bien agiter son drapeau avec ses 58 matchs sans avoir encaissé de but en C1 (un record), revoir le maillot du Real Madrid, ce mardi en demi-finale aller de Ligue des champions à l’Allianz Arena (21 heures), a bien pu lui procurer quelques terreurs nocturnes. Car la dernière fois que Manuel Neuer a affronté la Maison blanche, en 2016-2017, le gardien du Bayern Munich est reparti en Bavière avec quatre buts dans les valises et une élimination dès les quarts de finale de la C1.
Depuis, Ronaldo et Benzema ont quitté le Real, la « Robbery » a raccroché les crampons et Ancelotti est passé chez le rival du soir. A 38 ans, Manuel Neuer, lui, continue de garder les cages munichoises. Bien sûr, les années passent, le corps commence à couiner, mais aucun gardien n’est venu contrarier l’ordre établi depuis 2011 au Bayern. Pas évident, il est vrai, de venir bousculer celui qui a remodelé le rôle du gardien de but.
« Une nouvelle norme pour les gardiens »
Demandez donc à Christian Früchtl, qui a côtoyé Manuel Neuer au Bayern pendant cinq saisons. L’actuel portier de l’Austria Vienne (24 ans) était à deux doigts de se lancer dans une hagiographie de son aîné formé à Schalke 04 :
Il n’est pas un gardien de but ordinaire. Il est le meilleur gardien du monde et a eu une grande influence sur le poste de gardien de but. M’entraîner tous les jours avec lui m’a façonné en tant que gardien et m’a permis de trouver mon style. Grâce à Manu, j’ai appris ce que signifie être gardien de but et l’impact que l’on peut avoir en dehors de la surface de réparation. Avec son style de jeu, il a établi une toute nouvelle norme pour les gardiens de but et a grandement influencé la façon dont les jeunes gardiens s’entraînent et sont utilisés aujourd’hui.
Il n’est donc plus rare de voir les gardiens, ambidextres, jouer comme un libero, participer au jeu et tenter des sorties à 30 mètres de ses buts. Ajoutez à ça une capacité d’anticipation supérieure à la moyenne, une lecture du jeu incroyable et un rôle de leader qui lui sied à merveille et vous avez le portrait complet du boss de fin de game.
Pour Christophe Lollichon, ancien entraîneur des gardiens de Chelsea actuellement à Dunkerque, en L2, le climax de la carrière de Neuer, au-delà de quelques arrêts spectaculaires, comme ce bras en titane sur une frappe surpuissante de CR7 en 2017 ou le réflexe fou sur une tête de Walcott en 2016, est son match contre l’Algérie, lors de la Coupe du monde 2014.
La masterclass face à l’Algérie
Le mur de Munich avait permis de soulager une défense Hummels-Boateng rouge comme des pivoines au moment de taper des sprints, avec des sorties loin de sa surface de réparation. « On était vraiment surpris, on n’avait jamais encore vu un gardien sortir autant et aussi loin de son but, se souvient Saphir Taider, titulaire sur l’aide droite des DZ lors de ce huitième de finale. Si ce n’était pas Neuer dans les buts, on aurait pu mener au score. Ce jour là, et même cette année là, il était vraiment le meilleur gardien au monde. »
En 2014, c’est à l’époque où Guardiola est entraîneur du Bayern, reprend Lollichon. Pour moi, c’est Pep qui a révolutionné le poste de gardien. Il a mis en exergue tout ce que pouvait apporter un gardien. Neuer n’a jamais été aussi performant, et novateur dans son style, que lors de l’ère Guardiola au Bayern. Quand les deux se sont rencontrés, ça a fait tilt et c’est devenu extrêmement intéressant. Mais ce n’est pas le seul à avoir fait ça. Si je vous raconte qu’à Nantes on faisait déjà ça avec les gardiens au début des années 1990, vous allez me rire au nez. C’était déjà vrai, mais ça ne parlera pas aux gens.
Effectivement, pas sûr qu’Ederson, qui a notamment été recruté à Manchester City par Guardiola pour son jeu au pied et en faire la version anglaise de Neuer, Allison et tous les gardiens modernes se soient inspirés de Dominique Casagrande. « Manu a établi une nouvelle norme, assure Christian Früchtl. Et si vous voulez faire partie des meilleurs gardiens du monde, vous devez essayer d’atteindre ce niveau. »
Le gardien de l’Austria Vienne estime même que l’influence de son ancien partenaire va au-delà du football pro : « Je vois aussi chez les enfants dès le plus jeune âge que la conception du gardien de but a changé, avec des méthodes d’entraînement à ce poste qui évoluent. Nous devons ça en grande partie à Manuel Neuer. » Comme cette technique, en croix, pour venir occuper le maximum d’espace dans un face-à-face.
« Il y a beaucoup de jeunes qui l’imitent et je trouve que cette technique est mal utilisée, même si Neuer le fait régulièrement très bien, relance, tatillon, Lollichon. Il y a ce geste parfois d’écran du corps qui est parfois déconnecté de la réalité du jeu. On pense qu’on va prendre le plus d’espace possible alors que si on est debout bien stable, avec la rapidité d’intervention que peut avoir un Neuer, on peut sortir le ballon de manière plus efficace. »
« On le comprendra dans vingt ans »
Ça, ça sera la tâche du prochain cyborg des gardiens. Car, en fin de contrat en 2025, l’Allemand ne devrait plus venir embêter les attaquants encore trop longtemps. On pourra alors, au fond de notre canapé, une verveine à la main, observer l’empreinte laissée par Neuer.
Je ne sais même pas si nous sommes tous conscients que nous vivons avec un gardien de but qui a révolutionné tout le sport, évoquait son ancien partenaire Mario Gomez dans le podcast Phrasenmäher. Nous ne le comprendrons tous que dans vingt ans. Je mettrais Manuel au même niveau que Messi en matière d’importance dans l’histoire du jeu.
Sauf que, comme 99,9 % des gardiens, Manuel Neuer n’a jamais été récompensé d’un Ballon d’or. Pourtant, comme Lev Yachine (seul gardien à avoir remporté le trophée), l’Allemand est le seul à avoir réussi à réinventer la fonction. Et pas sûr qu’associer son nom au trophée du même nom, qui récompense le meilleur gardien de la saison, ne puisse vraiment être à la hauteur du personnage. Surtout quand le dernier vainqueur s’appelle Emiliano Martinez.
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