Loi immigration: les opposants manifestent ce dimanche dans plusieurs villes de France
Les opposants au projet de loi immigration manifestent ce dimanche 14 janvier 2024 dans plusieurs villes de France.
Maintenir la pression. Alors que la décision du Conseil constitutionnel sur la loi immigration est attendue dans une dizaine de jours, ses opposants comptent bien se faire entendre dans la rue. Après l’adoption le 19 décembre dernier d’un texte plus ferme que le projet initial, négocié avec les Républicains (LR) et voté avec les voix du Rassemblement national (RN), de nombreuses voix ont appelé à manifester partout en France ce dimanche.
À l’origine de cette mobilisation, plus de 400 collectifs, associations, syndicats et partis politiques, dont plusieurs organisations de sans-papiers, La France insoumise (LFI) ou encore le syndicat Solidaires, qui dénoncent un texte qui «reprend de nombreuses idées de l’extrême droite, comme la préférence nationale ». «Le retrait de la loi est possible mais la pression doit venir de la mobilisation», a défendu lors d’une conférence de presse Denis Godard, un responsable de la Marche des solidarités.
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Une loi «rédigée sous la dictée des marchands de haine»
À Clermont-Ferrand, le cortège devait s’élancer à 11h de la place des Salins pour gagner la préfecture. À Marseille, rendez-vous était donné en début d’après-midi aux manifestants à la Porte d’Aix. À Bordeaux, les opposants devaient partir de la place de la Bourse, à l’appel d’une cinquantaine de syndicats, associations et partis politiques. À Lyon, la manifestation devait partir de la place Bellecour. Des cortèges étaient aussi attendus à Annecy, à Grenoble et à Nice.
Plus de 200 personnalités ont appelé dans Médiapart et L’Humanité à battre le pavé dimanche 21 janvier contre une loi «rédigée sous la dictée des marchands de haine». Parmi les signataires, des figures politiques – Manuel Bompard, Benoît Hamon, Fabien Roussel, Najat Vallaud-Belkacem, ou encore Cédric Villani -, mais aussi les secrétaires générales de la CFDT Marylise Léon et de la CGT Sophie Binet, ou encore des comédiens – Christophe Alévêque, Pierre Arditi, Josiane Balasko, Bruno Solo -, des écrivains et intellectuels – Nicolas Mathieu, Alice Zeniter, Pierre Rosanvallon, Benjamin Stora – et des journalistes, comme Edwy Plenel.
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Attal ne va «pas changer d’un iota la position du gouvernement»
La mobilisation contre ce texte «dépasse le cadre habituel des associations qui se sentent concernées» par ce sujet, observe Delphine Rouilleault, directrice générale de France terre d’asile, qui veut défendre le 21 janvier une «autre vision de la solidarité». Un élargissement des oppositions bienvenu, d’autant que l’arrivée à Matignon de Gabriel Attal ne va «pas changer d’un iota la position du gouvernement», pense-t-elle.
Plusieurs centaines d’organisations ont toutefois écrit au nouveau premier ministre dès sa nomination mardi, réclamant une «clarification» de sa politique migratoire. Dans l’attente, résume Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), ses associations adhérentes ont «gelé les contacts politiques» et ne participent plus à aucune réunion de travail avec les autorités.
La précédente première ministre Elisabeth Borne s’était engagée, dans le cadre des négociations avec la droite, à mener une réforme de l’Aide médicale d’État réservée aux sans-papiers, pour exclure cette discussion de la loi immigration.
«Le ministre de l’Intérieur n’a pas changé» et le gouvernement «attend toujours que le Conseil constitutionnel fasse le boulot qu’il n’a pas voulu faire en laissant adopter un texte rempli d’horreurs constitutionnelles», juge Delphine Rouilleault.
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Le rabot du Conseil constitutionnel
C’est sur ce front que se joue également la bataille. Une coalition de juristes, d’universitaires et de responsables associatifs a adressé une salve de «contributions extérieures» au Conseil constitutionnel, qui doit se prononcer le 25 janvier après avoir été saisi par le président Emmanuel Macron lui-même et par l’opposition de gauche. «C’est une loi extrêmement agressive sur le droit des étrangers, qui pose d’énormes problèmes de constitutionnalité», explique Serge Slama, professeur de droit public à l’université Grenoble-Alpes, qui a coordonné cette initiative.
Au total, avec les diverses saisines des Sages, 47 des 86 articles de la loi sont contestés. «On défend la censure totale du texte, mais le plus probable, c’est que le Conseil constitutionnel censure des pans entiers qui ont été ajoutés par le Sénat (contrôlé par la droite) sans rapport avec la loi», anticipe Serge Slama. Pour lui, il est «presque sûr» que les Sages «vont enterrer toutes les dispositions sur la nationalité, les étudiants et la protection sociale», qui font partie des ajouts les plus controversés du texte. Elles introduisent par exemple une durée de résidence de cinq ans pour les étrangers qui ne travaillent pas afin d’accéder à certaines aides sociales, ou encore la fin de l’automaticité de l’obtention de la nationalité française à la majorité pour les personnes nées en France de parents étrangers.
Reste que même constitutionnelles, d’autres mesures fidèles au canevas initial du gouvernement (réforme de l’asile, facilitation des expulsions…) «n’en sont pas moins problématiques», s’inquiète Delphine Rouilleault. Sur ces points, a indiqué sous couvert d’anonymat un haut fonctionnaire, l’administration avance déjà en «temps masqué». En langage administratif, cela signifie la mise en place des mesures, avant le feu vert officiel.