Moins de touristes, plus de migrants : le Paris rêvé d’EELV (et de David Belliard)

Moins de touristes, plus de migrants : le Paris rêvé d’EELV (et de David Belliard)

N’essayez pas de reproduire cette cascade chez vous. À deux semaines d’intervalle (le 19 décembre et le 5 janvier), l’adjoint EELV parisien à la mobilité David Belliard s’est prononcé en faveur d’un « droit universel à la mobilité », puis de Jeux olympiques « dédiés uniquement aux spectateurs français et européens ». Dans le premier cas, il s’insurgeait sur Twitter contre une disposition de la loi immigration supprimant les tarifs sociaux dans les transports en faveur des étrangers en situation irrégulière. Quant à son étonnante préférence nationale et européenne, exprimée sur Sud Radio, elle serait, elle, dictée par la volonté de limiter, au nom du climat, le recours à l’avion.

La voiture étant exclue d’office dans une optique écologiste parisienne, reste le train. En pratique, hélas, venir à Paris par le rail depuis la plupart des capitales européennes est long, cher, voire impossible. Le Point n’a, par exemple, trouvé aucun train pour la Grèce, berceau de l’olympisme. David Belliard le sait et s’en accommode. Le but des écologistes parisiens, inscrit en toutes lettres dans leur programme pour les municipales de 2020, est de réduire la fréquentation touristique à Paris en bridant l’aérien, trop compétitif, en limitant les locations saisonnières et en interdisant la construction de nouveaux hôtels.

Haro sur le « tourisme de masse »

La proposition de David Belliard de fermer les Jeux aux visiteurs venant en avion n’est peut-être pas réaliste, mais elle est sérieuse et cohérente. L’élu avait voté contre l’accueil des Jeux olympiques à Paris en 2024. En mai 2023, à l’instigation des écologistes, le Conseil de Paris a adopté un v?u sans portée réglementaire pour une réduction des créneaux de décollages et d’atterrissages de 12 % d’ici à 2025 par rapport à 2022 dans les aéroports franciliens. EELV est très clair sur sa vision du touriste idéal. Il vient en train, il visite la capitale à vélo et, surtout, il se fait rare.

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«Ã‚ Les Parisiens paient aujourd’hui un tourisme de masse plébiscité depuis des décennies et qui n’est plus tenable », lit-on dans le programme 2020 des écologistes pour Paris. La ville, pourtant, a été sans cesse reconstruite depuis le XIX^e siècle pour accueillir des événements d’envergure internationaux, comme les Expositions universelles? Elle est loin de succomber sous le tourisme. Cité martyre de l’ère des loisirs, Dubrovnik accueille annuellement 36 visiteurs par habitant. Paris, 11, et ce chiffre ne devrait pas exploser pendant les Jeux. Le niveau de fréquentation touristique sera « similaire à celui d’autres périodes », expliquait en juin 2023 Frédéric Hocquard, adjoint parisien au tourisme. C’est encore trop pour les écologistes, du moins lorsque ces visiteurs ont le tort de venir en avion (28 % en 2022, selon les chiffres de l’office du tourisme) ou par la route (34,5 %).

Pour les migrants, c’est différent. David Belliard a demandé plusieurs fois la création de « campements humanitaires aux normes de l’Organisation des Nations Unies » à Paris, avec douches et baraquements en dur. Ce ne serait pas une première. Le maire EELV de Grande-Synthe, Damien Carême, aujourd’hui député européen, avait expérimenté la formule en 2015. Le camp a disparu en 2017, dans une regrettable débauche de CO₂, lorsque des passeurs qui l’avaient rendu payant et s’en disputaient le contrôle ont incendié ses quelque 200 chalets de bois.

Le cas compliqué du clandestin venant en jet privé

Refusant de généraliser ce précédent fâcheux, EELV défend le « droit universel à la mobilité » et l’accueil inconditionnel dans des conditions certifiées ONU des étrangers en situation irrégulière. Attention tout de même au choc des impératifs catégoriques : les clandestins arrivent quelquefois par les airs. Europol a démantelé en septembre 2022 un réseau de truands kurdes irakiens qui proposaient des vols vers l’Europe en jet privé. La doctrine EELV reste à construire, dans ce cas d’espèce.

Les optimistes diront que, si Paris arrive à loger décemment les migrants, elle trouvera aussi de la place pour les étudiants fauchés et les smicards. Par une sorte de théorie du ruissellement inversé, la politique en faveur des plus démunis profiterait aux moins démunis. Hélas, la priorité à « davantage de nature sur les derniers terrains disponibles dans Paris », doublée d’une impossibilité de construire en hauteur, aboutirait, sans surprise, à une hausse des prix et à une gentrification accrue, y compris chez les touristes. Là encore, les écologistes font preuve d’une certaine cohérence. Depuis la fin des restrictions liées au Covid, beaucoup d’hôtels parisiens à une ou deux étoiles refusent les sans-papiers, que la préfecture leur envoie par milliers. Évacuer les touristes asiatiques ou américains libérerait des chambres pour accueillir des migrants. Les deux populations sont réellement en concurrence. EELV a choisi son camp.