Appel d’ONGs à la restitution de la dette française envers Haïti, de quoi parle-t-on ?

appel d’ongs à la restitution de la dette française envers haïti, de quoi parle-t-on ?

“Cette dette est triplement inédite et originale, car elle a été imposée par les vaincus aux vainqueurs, comme une forme de dédommagement aux propriétaires d’esclaves et aux anciens colons.”

Le PFPAD, Forum permanent des Nations Unies pour les personnes d’ascendance africaine, a réuni l’appel d’une vingtaine d’ONGs à la mise en place d’une commission indépendante, chargée de superviser la restitution de la dette de la France envers Haïti.

Le 18 avril, rassemblée à Genève afin de participer au Forum permanent des Nations Unies pour les personnes d’ascendance africaine, le PFPAD, une coalition d’une vingtaine d’organisations non-gouvernementales a annoncé vouloir mettre en place une nouvelle commission indépendante pour superviser la restitution de la dette de la France envers Haïti, qualifiée de rançon.

Cette requête a été approuvée et soutenue par le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Turk :

Je me joins aux demandes d’action immédiate. En matière de réparations, nous devons enfin entrer dans une nouvelle ère. Les gouvernements doivent faire preuve d’un véritable leadership en s’engageant sincèrement à passer rapidement de la parole aux actes, afin de réparer les torts du passé.

Ce n’est pas la première fois que cette question réapparaît dans le débat public, mais elle s’inscrit dans un contexte d’instabilité croissante en Haïti. L’insécurité dans le pays n’a cessé de se renforcer, alors que la population est de plus en plus en proie à la brutalité des gangs, qui contrôlent plus de 80% de la capitale Port-au-Prince. Fin février, une spectaculaire vague de violences a conduit à la démission de l’impopulaire premier ministre sortant, Ariel Henry, à la fermeture du trafic aérien, et au départ de 100 000 personnes de la capitale. Quelques jours après la tenue du PFPAD, le 25 avril, le Conseil présidentiel de transition, composé de neuf membres nommés afin d’organiser les premières élections depuis 2016, a prêté serment, lors d’une discrète cérémonie organisée au Palais National d’Haïti.

“Les torts du passé”, auxquels fait référence Volker Turk, renvoient à un épisode précis et sombre de l’histoire coloniale française, un “événement ensilencé plutôt que méconnu” selon Frédéric Thomas, chargé d’étude au Centre continental (CETRI), qui a pesé sur le sous-développement du pays, pour les associations signataires de l’appel.

En 1804, les esclaves haïtiens parviennent à s’affranchir de leur condition et à proclamer l’indépendance de leur pays. “Lors de la déclaration d’indépendance d’Haïti, le gouvernement haïtien confisqua toutes les propriétés des planteurs blancs qui devinrent propriétés de l’Etat haïtien”, observe Jean-François Brière, professeur émérite à la State University of New York à Albany, et auteur de Haïti et la France, 1804-1848, le rêve brisé (Karthala, 2008).

Dix ans plus tard, le gouvernement du roi Louis XVIII envoie une mission en Haïti afin de négocier le retour du pays sous la souveraineté française, proposition alors refusée par Alexandre Pétion, le président de la République haïtienne. Il suggère néanmoins le versement d’une compensation financière aux planteurs blancs, affaiblis par la perte de leurs propriétés, selon l’émissaire français.

La guerre ou la dette

“L’objectif de sa proposition était de “désarmer” le lobby des planteurs réfugiés en France (et ailleurs) qui réclamaient une action militaire contre Haïti pour reprendre le contrôle de la colonie “rebelle” et retrouver leurs propriétés”, reprend Jean-François Brière. Les pourparlers échouent jusqu’en 1825, date à laquelle le roi Charles X impose à Haïti ses conditions pour la reconnaissance par la France de l’indépendance.

Les Haïtiens doivent payer, en cinq ans, une indemnité de 150 millions de francs aux planteurs blancs dont les propriétés avaient été nationalisées par Haïti, et doivent également réduire de 50% les droits de douanes haïtiens, uniquement pour le commerce venant de France. “Si le gouvernement haïtien refusait ces conditions, la marine de guerre française ferait un blocus de tous les ports haïtiens, ce qui causerait l’effondrement des revenus de l’État haïtien, très dépendant des droits de douane. Le gouvernement haïtien accepta ces conditions. C’était l’équivalent de pointer un revolver chargé sur la tête de quelqu’un, en lui demandant son argent”, ajoute l’historien Jean-François Brière, qui approuve l’emploi du terme de “rançon”, par la “manière” dont la dette a été assignée à la population.

Pour Frédéric Thomas, “cette dette est triplement inédite et originale, car elle a été imposée par les vaincus aux vainqueurs, comme une forme de dédommagement aux propriétaires d’esclaves et aux anciens colons pour avoir perdu leurs terres et leurs mains d’oeuvres. Elle réécrit l’histoire dans la mesure où c’est la France qui concède l’indépendance à ses territoires, qui ont pourtant été gagnés de haute lutte par la révolution de 1804”.

Certes, la reconnaissance de l’indépendance d’Haïti par la France permet au jeune pays d’apparaître comme un Etat à part entière sur la scène internationale. Mais la dette initiale devient rapidement la “double dette”, puisque le gouvernement haïtien a été contraint d’emprunter 30 millions de francs aux banques françaises pour payer la première échéance. Haïti se retrouve en défaut de paiement l’année suivante, tandis que la France accepte de réduire la dette à 90 millions de francs. Le chercheur Frédéric Thomas évoque même une “triple dette, parce que pour la rembourser, l’Etat haïtien dépend des banques françaises et doit payer des intérêts qui s’étalent sur de nombreuses années. Ça a vraiment piégé Haïti, et c’est un marqueur, à mon sens, parce que ça met Haïti dans une position de subordination sur la scène internationale, qui se perpétue jusqu’à aujourd’hui”.

Pertes haïtiennes causées par la dette

Une longue enquête du New York Times publiée en 2022 estime que si le pays a réussi à s’acquitter de son dernier paiement en 1888, jusqu’en 1957, 19% des revenus annuels d’Haïti ont été siphonnés par le remboursement des intérêts. Le quotidien américain évalue à 560 millions de dollars les dépenses en valeur actualisée, et à 21 milliards de dollars minimum les pertes causées au développement économique d’Haïti, soit à huit fois le PIB du pays en 2020. Jean-François Brière tempère néanmoins les conséquences économiques :

La dette a forcément eu des effets négatifs sur le développement d’Haïti en confisquant des sommes importantes qui auraient pu être investies dans l’éducation, les infrastructures. Mais la non-existence de cette dette n’aurait pas forcément mis fin au sous-développement d’Haïti, car on ne sait pas comment l’argent “économisé” aurait été employé par les gouvernements du pays. L’absence d’investissements productifs, la pauvreté de l’infrastructure, le faible niveau d’éducation du peuple, la violence des conflits politiques expliquent dans une large mesure le sous-développement.

D’après l’UNICEF, 1,64 millions de personnes demeurent en situation d’insécurité alimentaire aiguë, et 6 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, près de la moitié de la population. L’ultra violence des gangs plonge un peu plus le pays dans le chaos.

A son arrivée au pouvoir en 2003, à l’occasion du bicentenaire de l’indépendance d’Haïti, le président Jean-Bertrand Aristide, nouvellement élu, tente d’obtenir réparation, sans succès. Des affrontements entre ses opposants et partisans se multiplient, ce qui entraîne l’exfiltration du président par la France et les Etats-Unis en République centrafricaine. Ce n’est qu’en 2015 que François Hollande qualifie les sommes payées par Haïti de “rançon de l’indépendance”, suscitant un immense espoir au sein de la classe politique haïtienne et de la population.

Son entourage précise finalement qu’il s’agit d’une dette morale. “La France demeure inflexible quant aux réparations et à la dette pour ne pas créer un précédent légal qui ouvrirait la voie à de multiples demandes de réparations venant d’autres pays anciennement colonisés par la France. La “dette morale” reconnue par François Hollande signifie que la France a le devoir d’aider Haïti en raison des rapports de domination et d’exploitation pratiqués par la France à Saint-Domingue/Haïti pendant la colonisation”, analyse Jean-François Brière.

L’année 2024 marque le 220e anniversaire de l’indépendance d’Haïti, et le 230e anniversaire de la première abolition de l’esclavage, pendant la Révolution française. Sera-t-elle celle d’une éventuelle restitution ? Les ONGs réunies à Genève l’espèrent.

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