Chlordécone aux Antilles : Les députés reconnaissent la « responsabilité » de l’Etat

Le texte porté par le député de Guadeloupe, Elie Califer, a été voté à l’unanimité des 101 votants, les groupes de la majorité s’étant abstenus, et va poursuivre son chemin parlementaire au Sénat

chlordécone aux antilles : les députés reconnaissent la « responsabilité » de l’etat

ILLUSTRATION : Pulvérisation de chlordécone sur des bananeraies en Guadeloupe. Le chlordécone est un insecticide organochloré utilisé dans les Antilles françaises entre 1972 et 1993, pour lutter contre le charançon du bananier. Interdit en 1976 aux États-Unis, son autorisation de vente en France a été retirée en 1990.

scandale sanitaire – Le texte porté par le député de Guadeloupe, Elie Califer, a été voté à l’unanimité des 101 votants, les groupes de la majorité s’étant abstenus, et va poursuivre son chemin parlementaire au Sénat

Un nouveau volet dans l’affaire du chlordécone aux Antilles. L’Assemblée nationale a adopté ce jeudi en première lecture une proposition de loi reconnaissant symboliquement la « responsabilité » de l’Etat dans les ravages de la chlordécone, un pesticide utilisé aux Antilles jusqu’en 1993, malgré les alertes sur sa nocivité.

Le texte porté par le député de Guadeloupe, Elie Califer, a été voté à l’unanimité des 101 votants, les groupes de la majorité s’étant abstenus, et va poursuivre son chemin parlementaire au Sénat.

Ce vote « est une victoire de la représentation nationale, une victoire de la République de la fraternité », a salué dans l’hémicycle Elie Califer à l’issue des débats : « Nous avons fait un travail que nos territoires vont regarder ».

De nouveaux amendements et d’âpres débats

La proposition de loi prévoit que la « République française reconna (isse) sa responsabilité dans les préjudices sanitaires, moraux, écologiques et économiques » causés par l’utilisation de ce pesticide en Martinique et en Guadeloupe. La France doit avoir pour objectif « la dépollution des terres » et « l’indemnisation de toutes les victimes de cette contamination, qu’elles aient eu lieu ou non dans le cadre d’une activité professionnelle », poursuit le texte.

Plusieurs amendements portés par les groupes GDR (à majorité communiste), LFI ou Ecologistes ont toutefois été ajoutés, parfois contre l’avis même d’Elie Califer. Le texte établit ainsi que la République française doit reconnaître les préjudices « moraux » du scandale, une mention qui ne figurait pas dans la version initiale. A aussi été adopté un amendement visant à la « mise en place d’une campagne de prévention sur l’ensemble du territoire national ».

La France s’assigne en outre « l’objectif d’établir publiquement la responsabilité des décideurs politiques dans ce scandale d’Etat », une expression qui a provoqué d’âpres débats. « Il ne faut pas vouloir partir dans tous les sens », a ainsi regretté le ministre délégué à la Santé, Frédéric Valletoux, la députée macroniste Charlotte Parmentier-Lecocq rappelant que les faits remontent à « plus de 30 ans » et disant craindre une chasse aux sorcières.

« Responsabilité des décideurs »

La chlordécone, pesticide répandu dans les bananeraies pour lutter contre le charançon, a été interdite aux Etats-Unis dès 1975, mais est restée autorisée en France jusqu’en 1990, et même jusqu’en 1993 – quinze ans après les premières alertes de l’OMS – aux Antilles, où elle a bénéficié d’une dérogation.

Plusieurs élus ont en outre souligné les prévalences de maladie comme le cancer de la prostate. Un amendement prévoit la mise en place d’un dépistage systématique du cancer de la prostate à partir de 45 ans pour les populations de Guadeloupe et Martinique.

Les députés macronistes, très réservés, avaient retiré avant la séance un amendement visant à remplacer l’idée de « responsabilité » de l’Etat par « sa part de responsabilité dans l’ampleur des dommages ». Durant les débats, Charlotte Parmentier-Lecocq a estimé qu’il n’y avait « aucune ambiguïté » quant à la « part de responsabilité » de l’Etat, mais que « d’autres responsabilités ont été à l’œuvre », celles de propriétaires d’exploitation ou d’élus locaux de l’époque.

Un autre amendement, actant la création d’une « instance indépendante » pour évaluer les actions de dépollution et de protection des populations, avec la remise d’un rapport au plus tard pour fin 2025, a été adopté.

Un vote scruté de près

Pour la MoDem Maud Petit, dont le groupe s’est abstenu en raison des changements « incohérents » apportés, les responsabilités sont « à la fois scientifiques, économiques et politiques ». « Malheureusement, les débats se sont déroulés de telle manière que j’ai l’impression que nous avons parfois dressé des gibets », a renchéri le LR Philippe Juvin.

Aux Antilles, où le non-lieu prononcé en janvier 2023 par deux juges d’instruction parisiennes enquêtant sur le scandale avait provoqué beaucoup d’amertume, le vote était scruté de près.

Le collectif « Lyannaj pou dépoliyé Gwadloup » (Alliance pour la dépollution de la Guadeloupe) regrettait notamment un texte qui ne va pas assez loin, notamment en n’impliquant pas les producteurs de l’époque. « Nous sommes favorables, bien sûr, à une reconnaissance de la responsabilité de l’Etat », souligne Laurence Maquiaba, membre de ce collectif, « mais nous ne pouvons pas considérer que l’Etat est seul responsable, les pollueurs doivent aussi être concernés ».

En Martinique aussi, les militants attendent plus. Pour Philippe Pierre-Charles, porte-parole du collectif « Matinik doubout, gaoulé kont chlordécone » (Martinique debout – révolte contre la chlordécone), cette reconnaissance est « un élément non négligeable mais doit ouvrir la porte à un programme de réparation ». « Et là, ce n’est pas encore ce qui est mis clairement sur la table », regrette-t-il.

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