Loi immigration : Les Républicains ont-ils fait "sauter tous les verrous" dans leurs critiques contre le Conseil constitutionnel et l'Etat de droit ?

La décision des Sages, qui ont censuré de nombreuses mesures introduites par LR, a été dénoncée comme un “coup d’Etat institutionnel” par plusieurs responsables du parti, reprenant un discours pourtant à rebours de l’histoire de la droite.

Depuis que la nuit est tombée sur le Conseil constitutionnel, jeudi 25 janvier, de nombreux élus de droite opèrent des variations sur un même thème : la critique radicale de l’action des Sages, qui ont décidé de censurer environ 40% du projet de loi sur l’immigration. Le texte, adopté avec les voix des Républicains (LR) en décembre, a été vidé de la plupart des mesures qu’ils se félicitaient d’avoir imposées à l’issue d’un bras de fer avec le camp présidentiel.

Loi immigration : quelles sont les principales mesures restantes du texte après la censure de 40% des articles par le Conseil constitutionnel ?

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Les ténors de la droite n’ont pas tardé à réagir, évoquant tour à tour un “hold-up démocratique”, selon le président du parti, Eric Ciotti, sur RMC ; un “coup d’Etat institutionnel”, aux yeux de François-Xavier Bellamy, tête de liste de LR aux élections européennes, sur Public Sénat ; ou encore une “prise d’otage institutionnelle” d’après Bruno Retailleau, patron des sénateurs LR, sur X (ex-Twitter).

Des thèmes habituels d’une droite plus extrême

L’une des critiques les plus véhémentes a été formulée par Laurent Wauquiez, possible prétendant du parti à l’élection présidentielle en 2027. Le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes a dénoncé auprès du Parisien et sur X un “coup d’Etat de droit” qui “s’est installé ces dernières décennies dans notre pays”. “Dans les situations de blocage, quand une cour suprême censure une loi, il faut donner le dernier mot au Parlement”, préconise-t-il.

Avec ces attaques frontales, Les Républicains se rapprochent, aux yeux de leurs opposants, de l’extrême droite de Marine Le Pen et d’Eric Zemmour. Le Rassemblement national et Reconquête dénoncent régulièrement un “gouvernement des juges” et fustigent la prééminence des décisions de justice sur les choix politiques.

En estimant que “les cours suprêmes censurent des pans entiers de législation votée par les représentants du peuple”, comme l’a fait Laurent Wauquiez, la droite s’exprime-t-elle comme ces deux partis ? “On fait sauter tous les verrous”, regrette le député LR Alexandre Vincendet, moins virulent que ses collègues dans son opposition à Emmanuel Macron. Le parlementaire fait même un parallèle entre les discours des ténors de son parti, jeudi soir, et la politique illibérale menée par Viktor Orban en Hongrie.

“Les déclarations qui visent à décrédibiliser les décisions du Conseil constitutionnel nous poussent vers une ‘orbanisation’ de notre parti, et c’est mortifère.”

Alexandre Vincendet, député Les Républicains

à franceinfo

“Ils laissent entendre que le juge constitutionnel ne doit pas avoir la confiance des Français. C’est dangereux”, estime de son côté Anne-Charlène Bezzina, maîtresse de conférences en droit public à l’Université de Rouen. “On peut faire des parallèles avec l’affaiblissement des cours constitutionnelles en Pologne, en Israël ou au Royaume-Uni.”

Un tournant dans l’histoire de la droite ?

La rengaine des ténors de LR contre les juridictions nationales et européennes n’est pourtant pas nouvelle, rappelle la constitutionnaliste. Ce type de discours et de propositions est devenu plus habituel ces dernières années. En 2021, lors de la primaire du parti avant la présidentielle de 2022, l’ancien commissaire européen Michel Barnier avait proposé un “bouclier constitutionnel” pour affranchir la France de certains traités internationaux et ainsi permettre un “moratoire sur l’immigration”. Comme un écho à Bruno Retailleau, qui pointait, cette même année dans L’Express , une “confiscation du pouvoir normatif” par les différentes juridictions, avec un risque de “dépossession démocratique”. Désignée candidate de LR dans la course à l’Elysée, Valérie Pécresse affirmait en 2022 son intention de faire tomber le “mur constitutionnel”, rapportait alors La Croix. Et au printemps 2023, Laurent Wauquiez jugeait dans Le Point qu’ “à force d’avoir mis des contre-pouvoirs, il n’y a plus de pouvoir, c’est pour cela que rien ne change”.

Mais cette attitude des Républicains tranche ostensiblement avec l’histoire de leur famille politique. “Les institutions de la Ve République ont été fabriquées par la droite, rappelle l’historien Jean Garrigues. Le Conseil constitutionnel est une invention d’un homme de droite, le général de Gaulle. Ce sont ceux qui se réclament comme ses héritiers qui sont à la tête des Républicains aujourd’hui.” “Les Républicains ne sont plus ni républicains ni même gaullistes”, a ainsi dénoncé sur X le socialiste Olivier Faure, vendredi. Jean Garrigues évoque par ailleurs le cas singulier d’Alain Juppé, fondateur de l’UMP (devenu LR depuis) en 2002, qui se retrouve aujourd’hui “sur le banc des accusés” en tant que membre du Conseil constitutionnel.

Rares sont les cadres de la droite à se distinguer de cette ligne de défiance vis-à-vis de la Constitution. Vendredi matin, le président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, a exprimé sur franceinfo ses divergences avec son homologue d’Auvergne-Rhône-Alpes : “J’ai un profond désaccord avec Laurent Wauquiez sur la démocratie, de l’Etat de droit et du respect de nos institutions. (…) Quand on est dans l’opposition, quand on veut gouverner, on ne peut pas raconter n’importe quoi”.

“Il y a toujours eu des lignes de fracture classiques à droite, mais celle-ci est un peu nouvelle”, souligne Jean Garrigues à propos de ces conceptions différentes des juridictions nationales. “On voit que cela participe de stratégies politiques qui ne sont pas forcément les mêmes.” L’épisode pourrait laisser des traces dans les rangs des Républicains qui, depuis 2022, occupent par alternance un rôle d’opposant ou de soutien de la majorité présidentielle, selon les textes de lois. “Même si ce n’est pas une certitude, cela peut mener à des dissensions, voire à une implosion de la droite”, prévient l’historien.

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