Allemagne : une manifestation d’islamistes appelant au califat fait scandale
Allemagne : une manifestation d’islamistes appelant au califat fait scandale
Trop c’est trop. Après la manifestation de quelques centaines de jeunes islamistes appelant au califat en Allemagne dans une rue de Hambourg le week-end dernier, l’effroi est grand. « Être témoin d’une telle manifestation dans nos rues est difficile à supporter », s’indigne la ministre de l’Intérieur Nancy Faeser. « La ligne rouge qui délimite le droit à la manifestation et à la liberté d’expression doit être très claire », a-t-elle également déclaré.
Qu’une telle manifestation puisse avoir lieu au nom de la liberté d’expression avec la bénédiction de la police en plein c?ur d’une grande ville allemande pose la question des limites de la liberté d’expression et choque une grande partie de l’opinion publique.
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La manifestation a eu lieu samedi dernier sur le Steindamm, dans le quartier de Sankt Georg à Hambourg. Une rue bordée de magasins et de restaurants turcs et arabes que les Hambourgeois ont surnommée « la petite Istanbul ». Plus de 1 000 personnes ont protesté contre « la dictature des valeurs » imposée en Allemagne.
Sur la vidéo postée par les organisateurs, on voit des centaines de jeunes hommes vêtus de noir et, à quelques mètres de distance, une dizaine de femmes voilées scander en arabe « Takbir », « Allahou akbar » et des extraits de la Chahada, la profession de foi de l’islam. Certains brandissent des pancartes : « Le califat, c’est la solution ! » et « Gaza a gagné la guerre de l’information ! ». Depuis la guerre à Gaza, les manifestants reprochent aux médias d’avoir fait des musulmans d’Allemagne des islamistes.
Qui sont les organisateurs et les participants
La manifestation a été organisée par le groupe Muslim Interaktiv fondé en 2020 à Hambourg. Selon l’Office de protection de la Constitution, le renseignement intérieur allemand, Muslim Interaktiv est affilié à l’organisation islamiste et fondamentaliste Hizb ut-Tahrir que les autorités allemandes ont interdite l’an dernier. La manifestation a été enregistrée dans les règles auprès de la police de Hambourg par Raheem Boateng, 25 ans, un prédicateur autoproclamé qui radicalise les jeunes sur les réseaux sociaux.
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Sur TikTok, il affirme que les musulmans sont persécutés en Allemagne et qu’il est temps qu’ils s’allient et se défendent. La mère de Raheem Boateng est allemande, son père est ghanéen, lui-même a la nationalité allemande. Comme d’ailleurs la grande majorité des jeunes manifestants de Hambourg, âgés de 18 à 25 ans. Ce ne sont donc pas des réfugiés arrivés depuis 2015 en Allemagne et socialisés dans leurs pays d’origine, mais des jeunes de la troisième génération de migrants. Ils sont nés en Allemagne, y sont allés à l’école, parlent couramment allemand et ont un passeport allemand.
Raheem Boateng a pris la parole samedi à Hambourg et proclamé la profession de foi de l’islam entonnée par la foule. « Les politiciens et les journalistes sont des menteurs. Quand ils disent intégration, ils pensent assimilation. Exigez le droit de vivre en accord avec les lois de l’islam ! » a-t-il lancé à la foule en colère.
De vives réactions réclament l’interdiction de Muslim Interaktiv
Les réactions en Allemagne sont vives. Nombreux sont ceux qui mettent en garde contre le danger « imminent » de radicalisation de jeunes musulmans en Allemagne et reprochent au gouvernement de ne pas faire preuve d’assez de sévérité pour empêcher ce genre de débordement. Le président de la police de Hambourg demande l’interdiction de Muslim Interaktiv. D’autant que ce n’est pas la première fois que le groupe organise une manifestation à Hambourg. En février l’an dernier, il avait déjà mobilisé quelque 3 500 personnes pour protester contre la manifestation durant laquelle un coran avait été brûlé en Suède.
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Dans les rangs de l’opposition chrétienne-démocrate aussi les voix s’élèvent en faveur d’une interdiction et pour demander au gouvernement de cesser de minimiser l’influence de Muslim Interaktiv. Le petit parti libéral, membre de la coalition au pouvoir dirigée par Olaf Scholz, exige l’expulsion des participants. La ministre de l’Intérieur sociale-démocrate promet une intervention musclée de l’État pour empêcher ce genre de manifestations et dresse la liste des lignes rouges à ne pas franchir : « Pas de propagande terroriste pour le Hamas, pas de paroles haineuses contre les juives et les juifs, pas d’appel à la violence dans les rues d’Allemagne. »
Nancy Faeser a rappelé que les activités de la mouvance islamiste étaient surveillées de près depuis l’interdiction l’an dernier de l’organisation terroriste Hamas et du groupe extrémiste Samidoun. « D’autres groupes qui jouent sur l’émotion, radicalisent et tentent de recruter de nouveaux islamistes sont dans le collimateur des services chargés de la sécurité », a-t-elle tenté de rassurer. Même le chancelier Scholz est monté au créneau, assénant qu’il fallait que toutes les mesures prévues par l’État de droit soient envisagées pour mettre fin à de telles manifestations sur la voie publique.