Policiers et gendarmes ont peu confiance dans les citoyens et privilégient leur mission à la loi

policiers et gendarmes ont peu confiance dans les citoyens et privilégient leur mission à la loi

Pendant une manifestation contre la réforme des retraites à Rennes le 6 juin.

Que pensent les policiers et les gendarmes de leur travail, de leur institution, et des personnes à qui ils ont affaire ? Une étude rare vient apporter quelques pistes de réponses. Une synthèse intitulée «Déontologie et relations police-population : les attitudes des gendarmes et des policiers» est publiée par la Défenseuse des droits ce mardi 27 février. Elle se résume ainsi : «Exprimant une confiance assez faible dans le public, [policiers et gendarmes] manifestent une conception principalement répressive du métier et des conceptions variables quant à l’utilité de l’écoute et de la redevabilité. […] Enfin, les attitudes révèlent un rapport au droit ambivalent et un rapport à la force contrasté.» Sollicité, le cabinet de Gérald Darmanin n’a pour l’heure pas réagi à cette publication.

Menée par Jacques de Maillard, Sebastian Roché, Antoine Jardin, Julien Noble et Mathieu Zagrodzki, du Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (Cesdip), cette enquête a interrogé, entre juin 2022 et mars 2023, près de 1 000 gendarmes et 655 policiers, répartis dans sept départements d’Ile-de-France (hors du territoire de la préfecture de police) et d’Auvergne Rhône-Alpes. La centaine de questions portait sur leur connaissance d’objets (comme la Défenseuse des droits, ou les plateformes de signalement), les expériences vécues, les sentiments des agents, et leurs attitudes vis-à-vis de certains concepts (comme le cadre juridique ou le rapport à l’usage de la force). Ces questionnaires ont été complétés par des observations et des entretiens avec des gendarmes.

Peu de confiance dans les citoyens

Globalement, les agents sont satisfaits du poste qu’ils occupent. Les discriminations vécues à leur travail sont relativement rares, mais elles sont plus courantes dans la police nationale : 8,5 % des fonctionnaires interrogés déclarent avoir subi un traitement défavorable en raison de leur genre et 5,7 % en raison de leur âge (contre respectivement 4,3 % et 3,4 % chez les militaires). Toutefois, plus de la moitié des répondants – dans les deux forces – estiment que «les procédures existantes ne leur permettent pas d’exprimer et de défendre leurs droits».

L’étude s’intéresse particulièrement aux rapports entre les forces de sécurité et la population. «Les insultes et agressions verbales sont régulières, même si elles ne sont pas quotidiennes», souligne la synthèse, puisque «40,8 % des répondants ont été insultés ou agressés verbalement au moins une fois lors du dernier mois [et] 14,9 % l’ont été trois fois ou plus». Les confrontations physiques (agent poussé ou bousculé) ne concernent, elles, que 13,1 % des répondants. «Les gendarmes déclarent systématiquement avoir été moins insultés, moins agressés, moins bousculés que leurs collègues policiers, relèvent les chercheurs. Les observations confirment ces résultats, en mettant en évidence un faible nombre d’interactions tendues en gendarmerie (les rares [interactions] observées étaient le fait de personnes alcoolisées ou souffrant de troubles psychiatriques graves).»

En miroir, la redevabilité des forces de l’ordre vis-à-vis de la population est loin d’être vécue comme un idéal : la moitié des répondants estiment ne pas avoir à informer et justifier de leur action auprès des citoyens. De plus, moins d’un quart des policiers, et à peine plus d’un tiers des gendarmes, estiment que l’«on peut globalement faire confiance aux citoyens pour se comporter comme il faut». A ce sujet, les chercheurs nuancent le constat, différencié selon l’institution, puisque «les observations menées en gendarmerie apportent une conclusion moins négative : s’il est difficile de déterminer l’impact respectif d’une population moins dense et d’une délinquance moins forte, de la formation ou encore d’une culture professionnelle qui valorise le contact et la proximité, il est apparu que les rapports avec la population sont empreints d’une assez forte confiance des gendarmes à l’égard de leurs interlocuteurs».

«Des conceptions privilégiant la dimension répressive»

L’étude interroge aussi le sens que donnent les membres des forces de l’ordre à leur métier. Et ce sont «les conceptions privilégiant la dimension répressive» qui dominent chez les interrogés, pour qui la délinquance s’explique d’abord par la «tolérance de la justice» (43,5 %), la démission des parents (22,3 %) et la détérioration de la situation économique et sociale (19,4 %).

Pour les deux forces, la mission première est d’arrêter les délinquants et de faire respecter la loi (près des deux tiers des policiers, et près de la moitié des gendarmes). «Secourir les personnes en danger» est la deuxième priorité citée par les personnes interrogées. Vient ensuite la prévention de la délinquance, primordiale pour près d’un quart des militaires, mais seulement pour 6,3 % des fonctionnaires.

Près des deux tiers des répondants jugent «efficace» ou «très efficace» la pratique de contrôles d’identité fréquents pour garantir la sécurité. La Cour des comptes a pourtant récemment questionné l’intérêt de cette pratique massive mais dont même le ministère ne sait pas prouver l’utilité. A l’inverse, et à rebours de la politique impulsée par Gérald Darmanin, la majorité des répondants (69,5 % chez les policiers) jugent inefficaces les contrôles ciblés des consommateurs de cannabis.

«Une contradiction entre efficacité et respect du règlement»

Enfin, les chercheurs dressent le tableau de forces de sécurité qui privilégient la force et leur mission, parfois au détriment des règles. Ainsi, plus des deux tiers des policiers et de la moitié des gendarmes considèrent que devrait être tolérée «plus de force que ce qui est prévu par les règles». D’ailleurs, plus de moitié des répondants pense qu’il existe «souvent une contradiction entre efficacité et respect du règlement», et qu’à choisir entre les deux, «mener à bien la mission est prioritaire (51,8 % contre 45,2 % respecter le règlement)».

Ces résultats sont à mettre en regard avec une autre conclusion de cette étude : près de 90 % des répondants déclarent avoir étudié, en formation initiale, l’usage de la force. Mais ils ne sont que 53,5 % à faire état d’apprentissage concernant le droit relatif aux discriminations, 50,8 % pour ce qui est des droits civiques et de la liberté d’expression, et 28,8 % pour le droit des réfugiés et des étrangers. Le code de déontologie, commun aux deux forces, est bien mieux connu que la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Toutefois, il est jugé «peu adapté aux situations» (40,6 %), et associé à un «outil de contrôle» (46,4 %). Quant aux inspections de la police (IGPN) et de la gendarmerie (IGGN), elles sont globalement, mais pas unanimement, jugées efficaces (73,1 %) et justes (62,2 %).

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