Arnaud Assoumani : « La France est en retard, les Jeux Paralympiques doivent servir d’héritage »

Arnaud Assoumani participera en août à ses sixièmes Jeux Paralympiques. Le spécialiste du saut en longueur porte haut et fort de nombreux messages d’inclusion et d’égalité. Il espère que Paris 2024 servira de vitrine à cette cause mais regrette le retard pris par la France.

arnaud assoumani : « la france est en retard, les jeux paralympiques doivent servir d’héritage »

Arnaud Assoumani : « La France est en retard, les Jeux Paralympiques doivent servir d’héritage »

Paris Match. Vous avez participé à vos premiers Jeux paralympiques en 2004 à Athènes. Depuis, le regard du public mais aussi l’intérêt médiatique ont changé. Vous avez été témoins de ces changements, pouvez-vous nous les raconter ? Arnaud Assoumani. À Paris, le public pourra suivre en direct toutes les épreuves. À Tokyo il y avait eu 100 heures de direct. Et imaginez que la première fois que les jeux paralympiques ont été diffusés, ce n’est qu’en 2016… c’est très récent. Moi, j’ai connu tard le monde paralympique. En 1997 je commence l’athlétisme et en 2003 je fais ma première sélection en équipe de France et à ce moment-là, je découvre tout cet univers et j’ai vu les regards différents entre les compétitions valides ou handisports. J’ai vu certaines discriminations qui sont humiliantes, qui ne seraient absolument pas acceptées normalement. Si les gens se rendaient compte, en écoutant toutes nos anecdotes, de l’ampleur du problème, ils n’accepteraient pas qu’on soit traités de cette manière.

Malgré ces progrès, la médiatisation des athlètes paralympiques français ainsi que les moyens qui leur sont alloués n’ont rien à voir avec ce qui se passe dans d’autres pays. Au Royaume-Uni, ils ont des athlètes suivis par des centaines de milliers de personnes sur les réseaux sociaux, pareil aux États-Unis ou au Brésil. Au Brésil, il y a même deux centres paralympiques, dont un à Sao Paulo qui fait la taille de l’Insep alors qu’il est uniquement consacré aux athlètes paralympiques. Moi quand je suis arrivé à l’Insep en 2007, j’étais le premier athlète paralympique à m’y entraîner. Aujourd’hui, il doit y avoir une dizaine d’athlètes.

Pensez-vous que les Jeux de Paris 2024 vont permettre à la France de rattraper son retard ? On est pas mal de sportifs à faire en sorte qu’il y ait un avant et un après en communiquant sur tout un tas de sujets. Le gouvernement a mis un milliard pour améliorer l’accessibilité, mais il va falloir encore faire plus. On n’est pas prêt, et ça fait depuis 2005 qu’on n’est pas prêt sur plein de choses. Dans le métro à Paris, on n’a que 9 stations accessibles, quand les ascenseurs ne sont pas en panne. On est en retard. Se dire que la capitale de la France, d’un pays qui est l’une des plus grosses puissances mondiales, n’est pas accessible sur une grosse partie des transports publics…

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À l’approche des Jeux, beaucoup de marques ou de grands groupes ont commencé à mettre en avant des athlètes paralympiques, pensez-vous qu’une fois les compétitions terminées, cette médiatisation se poursuivra ? Il y a de l’opportunisme de leur part, mais c’est normal, il y a des enjeux de visibilité, financiers, il ne faut pas être naïf et il faut au contraire s’en servir. Il faut l’utiliser pour humaniser la différence et non la banaliser, parce qu’on est loin de ce traitement. Pour ça, il va falloir que nous aussi, on continue à se battre pacifiquement pour qu’il ne se passe pas rien après les Jeux. Ce qui pourrait aussi être une possibilité.

« Le handicap est le premier critère de discrimination en France »

En quoi les Jeux vont-ils permettre de faire avancer les mentalités ? Les Jeux montrent de la résilience, de l’humanité, du dépassement, ça parle beaucoup plus que ce que je dis, moi, ça compte plus que des mots. Donc ça veut dire qu’ils vont ouvrir un champ nouveau pour beaucoup de personnes, c’est très bien d’éduquer, de faire de la pédagogie, il faut que tout le monde agisse pour que l’héritage soit là après les Jeux.

Au-delà de l’aspect sportif, vous portez un message plus global qui concerne toute la société. Pouvez-vous nous en dire plus ?La loi de 2005 dit que le handicap n’est pas à porter uniquement par la personne mais par la société qui a un rôle à jouer. Et ce n’est pas seulement pour les personnes en situation de handicap. La population vieillit donc on est tous et toutes concernés. Plein de gens ne le savent pas et ne pensent pas que cette disparité est aussi importante parce qu’on croit qu’on en parle beaucoup, les politiques s’emparent du sujet mais la réalité est bien différente, c’est un problème global.

En 2021, l’ARCOM montrait en 2021 qu’il y a en France 0,8 % de temps visible traitant de personne en situation de handicap à la télé, sport y compris. Donc c’est absolument ridicule quand on sait qu’il y a 12 millions de personnes en situation de handicap. Pour la sixième année consécutive, le handicap est le premier critère de discrimination en France.

Parce que vous portez ces nombreux messages, vous vous verriez bien porter le drapeau de la délégation tricolore. Si on m’avait proposé aux derniers Jeux Tokyo, je ne me serais pas forcément senti légitime alors que je portais les mêmes messages et j’avais la même expérience. Mais aujourd’hui je pense que c’est important de prendre sa place, de porter des messages assez haut. Je ne me suis jamais senti porte-parole des athlètes paralympiques parce que je ne les ai pas tous consultés et tous ne sont pas forcément d’accord avec moi. Mais dans les retours que j’ai, les athlètes me remercient de porter ces messages. Ce seront mes sixièmes Jeux, donc je me sens maintenant légitime. L’objectif est de pouvoir apporter de la résonance dans tous les messages que je passe, comme dans cette interview.

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