À Kiev, une réinterprétation libre du chic parisien

Nous sommes dans le quartier historique de Kiev. L’appartement, situé au quatrième étage d’une vaste demeure construite en 1905, n’est pas immense, mais il est lumineux : les hautes fenêtres, que la lumière les traverse généreusement, ouvrent sur un balcon donnant sur un parc verdoyant et calme. La maison, plus que centenaire, n’est pas en bon état lorsque Rina Lovko et Daryna Shpuryk, de l’agence d’architecture d’intérieur Rina Lovko, entament la rénovation de l’appartement. « Un important travail de restauration était nécessaire, le bois des cloisons avait pourri, il y avait de grandes fissures dans les murs et le sol était à revoir entièrement », confient les architectes d’intérieur. La propriétaire, qui travaille dans la mode, possède un œil aguerri et une vision précise de ce qu’elle attend de cette rénovation. Elle souhaite revamper les lieux selon une esthétique vintage d’inspiration parisienne, une ville qui la fascine pour sa beauté. Mais s’inspirer n’est pas copier. Afin de ne pas pasticher les symboles du « chic parisien », corniches, moulures et ornements trop typés haussmanniens sont écartés. L’accent sera mis sur les textures naturelles, une combinaison de détails choisis, ainsi qu’une ambiance générale empreinte de légèreté et de sophistication douce.

Les hautes fenêtres, que la lumière les traverse généreusement, ouvrent sur un balcon donnant sur un parc verdoyant et calme. Au-dessus du canapé Anaelle de facture classique (Maisons du Monde), un miroir français ancien.

Une sophistication douce

Avant cela, les cloisons en bois, endommagées par l’humidité et les parasites, sont abattues ou remplacées, le parquet d’origine entièrement refait et posé sur une chape de béton, le balcon est solidifié et les murs sont renforcés avec des attaches spéciales qui les lient à la charpente. Rina Lovko et Daryna Shpuryk en profitent pour revoir le plan de l’appartement selon le schéma éprouvé de l’enfilade. « L’appartement n’a qu’une seule orientation vers l’extérieur, nous avons décidé de créer un long couloir fonctionnel distribuant un dressing d’entrée, des toilettes d’invités et une buanderie. Au bout, nous entrons dans la vaste pièce de vie, séquencée par la cuisine en second jour, puis la salle à manger et le salon. » Ouvertes, des doubles portes laissent apercevoir la chambre depuis le salon. Une chambre qui, à son tour, s’ouvre sur la salle de bains séparée par une spectaculaire cloison-verrière et des voilages en tulle doux. Un plan en U donc. Le vaste espace trois-en-un de la pièce de vie révèle toute sa luminosité et paraît plus spacieux qu’il n’est. Le principe de l’enfilade ouvrant une zone sur une autre crée un espace et un cheminement cohérents, en plus d’agrandir visuellement l’appartement. « Il y a toujours une zone privée au bout d’une enfilade, cette fois, c’est la salle de bains qui remplit ce rôle. »

Plutôt que pasticher le style parisien, l’agence Rina Lovko s’en inspire librement. Le parquet en chevrons est centenaire mais provient d’un autre intérieur. Les murs sont peints sur enduit, ce qui leur confère cet aspect doux et velouté.

Le sens aigu des détails

Le parquet d’origine, bien que très endommagé par le temps, donnait le ton de cet intérieur. Il est remplacé par une alternative authentique, un parquet en chêne vieux d’une centaine d’années qui se voit restauré et posé en chevron, « laissé naturel afin de mettre en valeur les marques du temps, ses imperfections renforçant son aspect séculaire ». Les murs sont revêtus d’enduit puis peints, leur texture matiérée apportant son charme velouté. Pas de corniches aux plafonds qui seraient trop parisiennes, à la place, des angles de plafonds qui sont arrondis, adoucis – une esthétique qui rappelle les intérieurs anciens de Kiev. On note juste, dans la chambre, une rosace de plafond en gypse exécutée à la main dont le motif réalisé en 3D réinterprète les codes romantiques des intérieurs classiques. Les portes sont fabriquées à partir de bois massif selon un dessin original de portes autrichiennes. Les tringles et supports de rideaux, réalisés sur mesure, adoptent un design minimaliste qui répond aux angles adoucis des plafonds et d’une petite niche murale horizontale au-dessus du plan de travail de la cuisine.

Dans le salon-pièce de vie, deux doubles porte en bois massif de dessin autrichien ouvrent sur la chambre qui donne sur la salle de bains. Refermées, elles isolent cette partie nuit comme une petite suite romantique. De part et d’autre, des appliques d’Allemagne milieu du siècle .

Des pièces de mobilier choisies

Si des solutions de mobilier intégré sont introduites dans la cuisine avec des éléments bas surmontés d’un plan de travail et, sur le mur contigu, une grande armoire contenant le réfrigérateur et le four, pour le reste, les pièces vintage sont largement plébiscitées. De la table à manger en marbre vintage qui vient d’Espagne à la suspension de Svend Aage Holm-Sørensen des années 1950, des chaises des années 1960 de Ilmari Tapiovaara pour Asko aux fauteuils de la même décennie, danois, comme la commode de la chambre ou les appliques murales du salon qui, elles, proviennent d’Allemagne ou encore le grand miroir de l’entrée, chiné en France… elles se marient avec un canapé et des appliques contemporaines, mais à l’ancienne. Mais comment ne pas évoquer la salle de bains, dont le sol et les murs en béton ciré nous enveloppent quand le marbre des parois de la baignoire et de la douche court jusqu’à la vasque posée sur un meuble dessiné sur mesure. Le meuble est placé juste devant la fenêtre, pour une routine beauté matinale avec vue. Et c’est vrai que tout dans cette salle de bain en fait la pièce la plus agréable et singulière de cet appartement, tout en le résumant parfaitement : délicate et d’un charme fou.

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Autour d’une table en marbre géométrique vintage chinée en Espagne, des chaises de Ilmari Tapiovaara pour Asko, des années 1960. La suspension Bloom, signée Svend Aage Holm-Sørensen, date des années 1950.

Des éléments bas ton sur ton occupent discrètement le mur de la cuisine. Une petite niche horizontale au-dessus du plan de travail répond aux angles adoucis des plafonds. Applique murale Antonio Adjustable (Visual Comfort).

Dans la partie salle à manger, un grand meuble dessiné sur mesure finition bois et laiton dissimule le four et le réfrigérateur dans un jeu de matières élégant.

Le grand meuble-armoire revisite de façon contemporaine le buffet de salle à manger d’autrefois et intègre de belle façon les appareils électroménagers indispensables.

Portes ouvertes, la perspective traversant la chambre jusqu’à la salle de bains est renforcée par un grand miroir, fabriqué par des artisans de Lviv, placé au-dessus de la baignoire. Les camaïeux doux de couleurs allant du crème au sauge en passant par le rose et le bois permettent à la chambre entièrement blanche de ressortir comme un cocon pur et doux.

La salle de bain est séparée de la chambre par une cloison vitrée qui s’ouvre grâce à une double porte. Un tulle doux diffuse la lumière.

Le sol et les murs de la salle de bains sont en béton ciré blanc cassé. On retrouve le marbre qui remonte le long du mur pour la vasque qui coiffe un meuble sur mesure.

Miroir décalé sur la gauche, le meuble vasque remplit aussi le rôle de coiffeuse face à la lumière avec une vue sur la verdure du parc attenant.

Au plafond de la chambre, une rosace en gypse exécutée à la main dont le motif a été réalisé en 3D réinterprète les codes romantiques des intérieurs classiques.

Comme dans une vraie suite indépendante, on découvre derrière un voilage en tulle un grand dressing. Au-dessus des miroirs, une imposte éclaire le couloir situé juste derrière.

Depuis le salon, le regard se perd dans la mise en abime des successions de portes jusqu’au miroir.

Le couloir menant à la pièce de vie et son grand miroir face à la porte. Parquet posé en chevrons, murs peint sur enduit et plafonds arrondis confère dès l’entrée sa personnalité à l’appartement.