A Maastricht, Ursula von der Leyen seule contre sept au jeu du grand débat
A Maastricht, Ursula von der Leyen seule contre sept au jeu du grand débat
Elle avait longtemps laissé planer le doute. Ursula von der Leyen était pourtant bien là, lundi 29 avril au soir à Maastricht, pour le premier grand débat des élections concernant la présidence de la Commission européenne, organisé par le média Politico. Et dans la capitale du Limbourg, haut lieu de la construction européenne, tout n’a pas été de tout repos pour la présidente de la Commission, candidate à sa propre succession. D’abord parce qu’elle y a été accueillie sous les insultes de militants propalestiniens qui la traitaient de « criminelle de guerre ». Ensuite parce que le format effréné de l’émission, qui n’accordait que 45 secondes de réponse à chaque candidat, la vouait à subir le feu roulant des critiques de ses sept adversaires pendant une heure et demie.
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Les huit responsables politiques, représentant chacun un groupe du Parlement européen, ont tous choisi de s’exprimer en anglais alors que cinq d’entre eux viennent de pays germanophones – l’Europe du Sud est totalement absente de ce débat où figurent trois Allemands, un Autrichien, un Luxembourgeois et même un inattendu pasteur moldave représentant le Mouvement politique chrétien européen. Collier de perles et tailleur doré de gala assorti à sa chevelure inamovible, Ursula von der Leyen rayonne comme une reine de bal. Son équipe a manifesté l’intention de transformer son image : finie l’inflexible « UVDL », la gestionnaire de crise de la mandature finissante, place à grand-mère Ursula la chaleureuse.
L’écologiste néerlandais Bas Eickhout, qui joue à domicile face à un public inhabituellement jeune, est de loin le plus applaudi et le plus offensif. Lorsqu’il attaque von der Leyen sur ses reculs successifs sur le Green Deal (« pacte vert » en bon français), celle-ci ne se départit pas de son sourire. Lorsque le leader communiste autrichien Walter Baier appelle à des négociations entre la Russie et l’Ukraine, c’est même elle qui sort de ses gonds, rappelant sa visite aux charniers de Boutcha. « C’est à Poutine d’arrêter les combats ! » s’emporte-t-elle. Et au nationaliste danois Anders Vistisen, elle rappelle à plusieurs reprises les récentes affaires d’ingérence russe et chinoise au sein des groupes d’eurodéputés d’extrême droite : « Balayez devant votre porte avant de nous critiquer ! » lance-t-elle.
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La main tendue à Georgia Meloni
Qu’a-t-on appris des intentions d’Ursula von der Leyen ? Peu de choses, mais significatives. L’ex-ministre de la Défense d’Angela Merkel refuse de tracer des lignes rouges au gouvernement Netanyahou, se bornant à dire qu’une attaque d’Israël sur Rafah serait « inacceptable » et qu’il faudra donc… discuter de la marche à suivre avec les Etats-membres. Elle jure que l’UE n’appliquera pas le « modèle rwandais » d’expulsion monnayée des migrants clandestins désormais appliqué par le Royaume-Uni. Quant à l’interdiction de TikTok qui se dessine aux Etats-Unis, elle pourrait, selon elle, être également une option en Europe.
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La présidente n’exclut pas, enfin, de rallier les soutiens du groupe de droite radicale CRE. Ce dernier a pour tête d’affiche la cheffe du gouvernement italien Georgia Meloni, avec qui Ursula von der Leyen s’est affichée en septembre dernier à Lampedusa, en pleine crise migratoire. Les deux dirigeantes à la complicité très commentée pourraient-elles conclure un accord pour faciliter la réélection de l’Allemande à la tête de la Commission ? « Cela dépend de la composition du prochain Parlement et de qui se retrouve dans quel groupe », répond-elle laconiquement. Ses adversaires de gauche Bas Eickhout et Nicolas Schmit s’étranglent. Sa compatriote centriste Marie-Agnes Strack-Zimmermann veut en avoir le cœur net : travaillera-t-elle avec l’AfD, le principal parti d’extrême droite allemand, qui a promis de démanteler l’UE ? « Un non définitif », tranche von der Leyen.
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«Â L’Europe nous a tant apporté mais ses valeurs sont aujourd’hui attaquées, de l’extérieur comme de l’intérieur, conclut la présidente de la Commission. Restez unis et fiers. » L’ambiance était studieuse et enthousiaste au Théâtre du Vrijthof, mais hors les murs, l’audience n’a pas crevé les plafonds : la retransmission YouTube du débat totalisait moins de 15 000 vues lundi, en fin de soirée.