13 Novembre : Fred Dewilde, dessinateur victime du Bataclan, s’est donné la mort
Fred Dewilde à Paris, le 9 novembre 2020.
Il disait n’avoir jamais vraiment quitté la fosse du Bataclan. Fred Dewilde, 58 ans, a mis fin à ses jours dimanche, a annoncé ce mardi 7 mai Life for Paris. «Terrassé par la violence de ses traumas contre lesquels il luttait sans relâche avec tant de courage, de talent et de générosité, depuis ce soir funeste du 13 novembre 2015», écrit sa famille dans un texte publié par l’association de victimes des attentats de Paris et Saint-Denis, dont il était un membre «moteur».
Pris au piège dans la salle de concert criblée de balles par les trois terroristes de l’Etat islamique, Fred Dewilde n’avait eu le temps ni de s’enfuir ni de se cacher. Pendant deux heures, épargné physiquement, il attendra l’arrivée des forces de l’ordre et des secours, allongé sur le sol maculé du sang des victimes. «Il disait qu’une partie de lui était morte ce soir-là», poursuit le communiqué de ses proches.
«Passeur de mémoire»
Illustrateur médical de profession, Fred Dewilde n’avait pas pu reprendre son métier, trop affecté par les effets de son stress post-traumatique. Pour conjurer le sort, il continuera de manier ses talents de dessinateur pour raconter, à travers quatre romans graphiques, ses blessures psychiques et sa difficile reconstruction. «Fred le survivant, Fred la victime était devenu Fred l’artiste, sublimant la souffrance à hauteur d’homme, passeur de mémoire pour nous tous», souligne encore le texte de sa famille, se disant «sous le choc et dévastés par la violence avec laquelle ce sournois poison répandu par les terroristes du 13 novembre 2015 l’a implacablement frappé après plus de neuf ans de résistance acharnée». «Ils l’ont tué une seconde fois, sans plus de seconde chance de survie.»
Fred Dewilde était père de trois enfants. Ceux qui l’ont croisé se souviennent d’«un colosse aux airs de nounours», «un grand dadais […] au grand cœur», «aux bras immenses et «grand ouvert dans lesquels tout cœur saignant trouvait réconfort». «Fred était un énorme paradoxe. Ses dessins étaient très noirs, alors qu’il était un être très lumineux», témoigne auprès de Libération Arthur Dénouveaux, président de Life for Paris.
«Tranquillité impossible»
Investi au sein de l’association Life for Paris, il participait activement aux rencontres organisées dans les établissements scolaires, pour entretenir la mémoire des attentats et sensibiliser les plus jeunes sur leurs conséquences dévastatrices. «On a tous l’impression que puisque la mort nous accompagne on sait la tenir à distance, mais finalement, on se rend compte à nouveau que ce n’est pas le cas», regrette Arthur Dénouveaux, qui évoque «la tranquillité impossible» des victimes de terrorisme.
En s’éteignant, Fred Dewilde, qui se considérait plus comme un «survivant» que comme un «rescapé», peut être considéré comme la 133e victime des attentats du 13 Novembre. Il est le troisième à s’être donné la mort. Dans son dernier ouvrage, la Mort émoi (Editions 13 en vie, 2022), il écrivait : «Je cherche tous les jours la vie que ce 13 m’a prise. Je suis à nu, à moitié tué, égaré dans ma propre vie.»