Quand Marie-Antoinette était addict aux jeux d’argent
On la disait frivole, tête de linotte, dépensière et capricieuse? Une nouvelle biographie, signée par Charles-Éloi Vial, revient sur le vrai visage de la reine de France, une femme mélancolique jetée trop vite dans une monarchie à bout de souffle et les bras d’un homme aussi inexpérimenté qu’elle?
Revenant aux sources premières, l’historien archiviste trie le bon grain de l’ivraie, décape le personnage des vernis successifs laissés par la légende et les historiographies afin de retrouver une image plus juste de l’épouse de Louis XVI, qui finit par faire face avec courage aux tempêtes de l’histoire?
Dérivatif à l’ennui
Mais qu’en est-il vraiment de ses premières années à Versailles ? La jeune archiduchesse fait surtout face à une immense solitude, avec un mari qui la prend pour une enfant et une cour d’emblée hostile à « l’Autrichienne ». Marie-Antoinette s’acclimate difficilement, elle est surveillée par sa mère, l’impératrice Marie-Thérèse, négligée par son mari, épiée par la vieille cour et fait souvent preuve d’immaturité?
Elle va vite rechercher un dérivatif à l’ennui dans le rire et le divertissement : musique, bals, opéras, sorties dans Paris, notamment en compagnie de l’élégant et virevoltant comte d’Artois, frère de Louis XVI et futur Charles X.
À LIRE AUSSI Au temps des rois, « Versailles était pire que Monte-Carlo » ! Une fois reine, en 1774, les habitudes sont prises, d’autant que la pression politique ne faiblit pas ? Louis XVI, 20 ans, est tétanisé par l’ampleur des tâches à accomplir. Marie-Antoinette prend des cours de musique, donne un concert privé chaque lundi, sort à Paris, court la comédie. Surtout, elle tombe rapidement dans l’enfer du jeu, entré dans le quotidien de la cour depuis le règne de Louis XIV ? ils sont interdits par le parlement de Paris, mais tolérés au palais et dans la capitale?
«Ã‚ Au début du règne, elle continua quelque temps àdélaisser les jeux d’argent, se contentant de prendre part àd’innocentes distractions qu’organisaient, dans leurs appartements, le duc et la duchesse de Duras, tel le colin-maillard ou le billard, rapporte Charles-Éloi Vial dans sa biographie. Mais la mode était aux jeux de cartes et elle finit par y céder. »
Deux millions engloutis
Elle débute par des parties simples, le trictrac (dames et dés), le reversi (4 joueurs et 52 cartes) ou encore le biribi et le bingo, qui se jouent avec des grilles et des boules gagnantes. Puis elle passe vite à la vitesse supérieure en jouant, dès 1776, au lansquenet et au pharaon, des jeux de cartes où on mise très gros, avec notamment la complicité de duc de Lauzun et de la princesse de Guéméné qui l’entraîne dans son salon?
La reine devient accro, elle joue presque tous les jours, parfois jusque très tard dans la nuit, et perd de véritables fortunes ? 180 000 livres pour la seule année 1778, soit l’équivalent de 2 millions d’euros d’aujourd’hui.
À LIRE AUSSI « Louis XVI fut la droite molle, Marie-Antoinette la droite dure » Le roi éponge les dettes sur sa cassette, il préfère la chasse au jeu, même s’il est obligé de faire acte de présence et de participer aux mises. Mais à titre de comparaison, il ne mise que 140 000 livres sur neuf ans, entre 1775 et 1784, rapporte l’auteur. Et par faiblesse ou bienveillance, il laisse son épouse délaissée s’en donner à c?ur joie?
Marie-Antoinette fera même, un jour, venir des « banquiers-joueurs », de vrais professionnels qui lui proposent d’éponger ses dettes en touchant un dixième de leurs bénéfices ? le vice venant ainsi au secours de la couronne?
Voilà Versailles transformé en vrai tripot et la reine montrée du doigt par des courtisans qui se font plumer. « Autour de la table de jeu de la souveraine gravitaient parfois de véritables argousins, payant leurs dettes avec de faux louis ou trichant aux cartes », rapporte Charles-Éloi Vial.
« Ambiance enfiévrée »
Une addiction qui a des conséquences sur l’intimité du couple : le roi est un couche-tôt, la reine s’amuse parfois jusqu’à 2 ou 3 heures du matin, elle néglige le souverain, qui finit par s’en accommoder? Il faut dire que leur vie sexuelle est quasiment nulle, tous deux sont inexpérimentés et maladroits, et le peu de relations qu’ils ont partagé leur ont laissé des souvenirs cuisants et douloureux ? le roi souffrait d’un phimosis (un rétrécissement de l’extrémité du prépuce).
À LIRE AUSSI La première nuit d’amour de Louis XVI après 7 ans de vaines tentativesIls vont mettre huit ans à concevoir leur premier enfant, un délai bien long dans la première monarchie du monde, qui fera les gorges chaudes des gazettes et des ambassades? Depuis l’Autriche, Marie-Thérèse exhorte sa fille à plus de maturité et de prévenance vis-à-vis de son mari, craignant la répudiation et la fin de l’alliance. Et de cesser rapidement cette addiction pour les jeux d’argent. « Ma chère fille, je vous prie : point de capitulation, il faut s’arracher tout d’un coup de cette passion », lui écrit-elle à la fin de l’année 1777.
La jeune reine finit par se calmer au début des années 1780, période où elle devient mère de quatre enfants ? deux seuls atteindront l’adolescence, son aînée Marie-Thérèse, la future Madame Royale et Louis-Charles, qui mourra dans la prison du Temple.
À LIRE AUSSI L’incroyable trafic de reliques après la mort de Louis XVIIl lui arrive encore de partager une partie de cartes dans son cher Trianon, mais sans l’excitation d’avant : « Elle ne jouait plus que des sommes insignifiantes au trictrac, préférant bavarder et faire durer la partie plutôt que de perdre des sommes énormes dans une ambiance enfiévrée », rapporte Charles-Éloi Vial.
Mais la critique ne la lâche pas. Les pamphlétaires trouvent d’autres sujets polémiques, comme son goût pour les bijoux, ses dépenses excessives en garde-robe ? jusqu’à 260 000 livres pour l’année 1786 ? et l’aménagement constant de son domaine de Trianon qui engloutissent 2 millions de livres au total pendant son règne ? plus de 22 millions d’euros. La Révolution n’aura qu’à puiser pour achever de la discréditer aux yeux du peuple?
« Marie-Antoinette », de Charles-Eloi Vial, éditions Perrin, janvier 2024, 720 pages, 28 euros. News Related-
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