Un réseau de mégaforts de l'âge du bronze jusqu'alors inconnu découvert au cœur de l'Europe centrale

un réseau de mégaforts de l'âge du bronze jusqu'alors inconnu découvert au cœur de l'europe centrale

Image aérienne de Mramorak (Serbie) montrant l’emplacement des sites (© Barry Molloy avec les remerciements de Darja Grosman).

Des archéologues ont identifié plus de cent sites fortifiés et massifs de l’âge du bronze en Europe centrale. Ces constructions, qui forment un réseau dense de communautés interdépendantes, révèlent qu’une société puissante et bien organisée, jusqu’ici restée cachée, vivait là il y a trois millénaires.

Alors que des archéologues allemands annonçaient au début du mois la découverte d’une salle monumentale de l’âge du bronze (3300-1200 av. J.-C.), les experts de l’University College Dublin (Irlande) et de leurs collègues serbes et slovènes mettent les bouchées doubles dans PLOS One ce 10 novembre 2023 : ils annoncent avoir identifié plus de cent sites préhistoriques massifs de la même époque, constituant un vaste réseau jusqu’à présent inconnu au cœur de l’Europe.

Pour y parvenir, les chercheurs ont réalisé des images satellites et des photographies aériennes au sud de la région montagneuse des Carpates, avec en son centre la vaste plaine de Pannonie, traversée du nord au sud par le deuxième fleuve le plus long du continent après la Volga, le Danube.

Ils ont ainsi révélé une centaine d’immenses constructions, les plus grandes observées avant l’âge du fer — ils les désignent sous le nom de “mégaforts” — dans l’arrière-pays de la rivière Tisza. Celui-ci accueillait ainsi il y a environ 3 500 ans des communautés méconnues jusqu’alors, désormais surnommées par les auteurs de l’étude les Tisza Site Group (groupe du site de Tisza, TSG).

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Un véritable réseau de mégaforts en Pannonie

Parmi ces grands sites, certains des plus importants étaient déjà connus des scientifiques depuis plusieurs années, indiquent-ils dans un communiqué : ceux de Gradište Iđoš (Serbie), Csanádpalota (Hongrie), Sântana (Roumanie)… Ou encore l’incroyable Corneşti Iarcuri (Roumanie), plus grande forteresse connue de l’âge du bronze en Europe, entourée de 33 kilomètres de fossés.

Ces forteresses allaient jusqu’à “[éclipser] en taille les citadelles et fortifications contemporaines des Hittites, des Mycéniens ou des Égyptiens” pourtant à leur apogée, vers 1500-1200 av. J.-C., affirme l’auteur principal Barry Molloy, de l’école d’archéologie de l’université de Californie du Sud (États-Unis).

Ce qu’ont en revanche nouvellement découvert les chercheurs, c’est que ces immenses complexes n’étaient pas isolés. Ils étaient situés à moins de cinq kilomètres les uns des autres, alignés le long d’un corridor fluvial formé par le Danube et son fameux affluent, la Tisza.

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“Ils faisaient partie d’un réseau dense de communautés étroitement liées et interdépendantes”, qui pouvaient compter à leur apogée des dizaines de milliers de personnes dans la basse Pannonie, développe l’expert. Cela pourrait d’ailleurs expliquer que des preuves archéologiques matérielles retrouvées à travers l’Europe centrale présentent parfois de grandes similitudes.

“Il serait extrêmement improbable que chacun de ces plus de cent sites ait été une chefferie individuelle en concurrence les unes avec les autres”, ajoute le Pr Molloy. Pour autant, l’époque — des relevés sur le terrain ont montré que les sites ont majoritairement été établis entre 1600 et 1450 av. J.-C. — n’était pas des plus paisibles. Il faut dire que le deuxième millénaire avant notre ère est communément considéré comme un tournant préhistorique majeur : la métallurgie a rendu possible le développement de nouvelles armes offensives et défensives, ainsi que de nouveaux savoir-faire technologiques.

Cette société des Carpates ne devait pas être étrangère à la violence. En témoigne d’abord sa taille, qui indique qu’elle était importante et puissante sur la scène européenne. Mais aussi, l’installation courante d’enceintes autour de ses fameux mégaforts ; elle était bien équipée pour protéger ses communautés.

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Comment vivaient les gens de l’âge du bronze ?

En outre, les archéologues rappellent que l’emploi des nouvelles technologies de pointe dans leur métier, couplé aux investigations et fouilles au sol, permet ces formidables trouvailles.

À l’aide de l’imagerie satellite, par exemple, ils ont pu “définir tout un paysage habité, avec des cartes de la taille et de l’agencement des sites, jusqu’à l’emplacement des habitations à l’intérieur de ces sites”, décrit Barry Molloy. “Cela donne une vision sans précédent de la façon dont ces gens de l’âge du bronze vivaient les uns avec les autres et avec leurs nombreux voisins.”

Les groupes du site de Tisza semblent finalement avoir abandonné en masse leurs forteresses vers 1200 av. J.-C., période pivot dans la préhistoire de l’Ancien monde, parfois connue sous le nom d'”effondrement de l’âge du bronze récent” : “des royaumes, des empires, des villes et des sociétés entières se sont effondrés en l’espace de quelques décennies dans une vaste région de l’Asie du Sud-Ouest, de l’Afrique du Nord et de l’Europe du Sud”, notent les chercheurs.

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Si ces derniers soulignent que les “technologies militaires et de terrassement” avancées observées dans les Carpates se sont alors répandues dans toute l’Europe, c’est tout une combinaison de facteurs qui ont en réalité compté : migrations et invasions étrangères, déclin du commerce international, catastrophes naturelles… ainsi que les aléas climatiques, qui auraient notamment précipité le déclin de la puissante civilisation hittite, a montré un rapport publié plus tôt cette année.

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